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Critique de Lenocherdeslivres


Avec le réchauffement climatique, l'Antarctique est en plein bouleversement. Peu à peu, des zones deviennent accessibles et les gisements de pierres précieuses et de terres rares aiguisent les appétits des pays du monde entier. Un sommet va se réunir sous peu pour décider si oui ou non on ouvre les droits à une exploitation légale et massive. Les Antarcticas, ceux qui habitent cette zone et vivent pour la plupart de trafic, s'inquiètent : leur mode de vie est-il en danger ?

Tout cela n'est qu'une part de l'intrigue. Comme il le fera plus tard dans Symphonie atomique, Étienne Cunge multiplie les axes narratifs et les lieux. Mais avant de revenir à l'histoire, quelques mots sur ce roman. Antarcticas est le premier publié par Étienne Cunge. Il est paru aux éditions Black Coat Press dans la collection Rivière blanche en 2017. La réception semble avoir été mitigée d'après les avis que j'ai lus à droite à gauche. En tout cas, pour cette nouvelle parution chez Critic, l'auteur a fourni un grand travail de réécriture pour « en fluidifier la lecture sans modifier le fond ». Et je confirme que le rythme est, dans l'ensemble, efficace et que l'on ne s'ennuie pas. Même si je trouve le livre un peu trop gros. Je présume que, comme pour pas mal de premiers ouvrages, l'auteur a voulu mettre beaucoup dedans et parfois, on frôle l'indigestion. Ce qui est certain, c'est qu'à la différence d'autres bouquins, le résumé ne tient pas sur un ticket de métro.

Mais retour, donc, à l'intrigue : d'un côté, les affrontements entre les différents groupes intéressés par la protection (certains pays, des militants écologistes réunis en groupes plus ou moins pacifistes) ou, au contraire, l'exploitation (des multinationales essentiellement qui imaginent les profits colossaux) de l'Antarctique ; d'un autre, un chercheur dont l'équipe a été assassinée par une équipe de tueurs extrêmement organisée et dont on ignore au début ce sur quoi il travaille. Or le laboratoire de ce Jérémy était situé dans l'enfer blanc. Et il se retrouve seul, sans préparation, dans un milieu dont il n'a aucune chance d'échapper vivant sans aide.

Pour ceux qui, comme moi, ont déjà lu Symphonie atomique, il est impossible de ne pas noter des points de ressemblance. Tout d'abord, la présence de la glace et du continent qui la symbolise le plus. Et surtout, le danger de disparition qu'ils courent. Ou, tout le moins, le risque d'être modifiés à tel point par l'humanité qu'ils en deviendraient méconnaissables. Intéressant de voir que chez le même éditeur, Jean Krug publiait son premier roman, le Chant des glaces.

Ce qui nous amène au deuxième point : les conséquences néfastes du réchauffement climatique. À ce stade, toutes celles et ceux qui clament haut et fort que tout cela n'est que ramassis de fadaises et de balivernes comprennent que ce roman n'est pas pour eux. Définitivement. Car Étienne Cunge est convaincu de cette réalité et nous le répète dans ses textes. L'être humain a une influence importante, et souvent négative, sur son environnement. Sur la planète qui l'abrite. Et, au nom d'un mode de vie ou de profits, il met en danger la vie, la survie, des générations futures.

Autre thème : la technologie omniprésente au quotidien. En 2050, c'est à dire demain, les appareils électroniques ont encore progressé et, par exemple, chaque citoyen (ou presque) possède un implant. Comme pour beaucoup avec le smartphone, cet objet sert à tout et est devenu indispensable à la vie de chacune et chacun. Mais, classique revers de la médaille, il est le meilleur espion disponible pour les pouvoirs, officiels ou non. N'importe quel bon hacker peut le pirater et accéder ainsi à tous les moments de la vie de chacun. Où qu'il soit dans le monde.

Malgré quelques tentatives de complexification en cours de récit, je trouve cependant que, dans l'ensemble, ce roman se montre un peu trop manichéen. Les méchants industriels affrontent les gentils écologistes ; les mauvais politiciens tentent d'écraser par tous les moyens les citoyens qui leur posent problème. Les traits sont parfois trop grossiers, les ficelles trop épaisses. C'est ce qui donne à Antarcticas une allure un peu bancale. Malgré les efforts de l'auteur, il reste encore des maladresses à mon avis. En plus, mais là c'est une réticence personnelle, on trouve encore un personnage (et un autre ensuite) qui utilise des rites de purification qui me font penser à Castaneda, comme dans Tous les arbres au-dessous d'Antoine Jaquier. Et je bloque toujours un peu sur ce type d'éveil mystique.

Pourtant, je m'en voudrais de terminer sur une note négative. Si ce récit m'a paru imparfait et trop démonstratif par moments, j'ai adoré son humanisme. Les personnages d'Étienne Cunge (enfin, ceux qu'il apprécie, pas les méchantes et méchants) acquièrent finalement une épaisseur telle qu'on s'inquiète pour eux. Et, même s'ils sont un peu stéréotypés, un peu trop prévisibles, il est difficile de ne pas s'attacher à eux. D'autant que l'auteur ne les ménage pas. Encore un qui n'hésite pas à blesser voire à tuer certains de ses protagonistes principaux.

L'éditeur, quand il parle d'Antarcticas, considère que ce roman est davantage porteur d'espoir que Symphonie atomique. Certes. Mais pas de beaucoup. Je n'arrive pas à me persuader qu'Étienne Cunge croit l'être humain capable de ne pas se diriger, tout seul comme un grand, vers sa perte. Cela ne m'a pas empêché de passer un très bon moment à la lecture de ce texte plein de vie et d'envies.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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