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Critique de Malaura


Supposée écrite entre 1290 et 1295, « Vita Nova » est une oeuvre de jeunesse, originale à plus d'un titre, du grand poète toscan Dante Alighieri (1265-1321).
Originale, tout d'abord parce qu'elle est la première oeuvre à avoir été écrite en langue dite vulgaire, l'italien de sa région natale, le toscan.
Ensuite parce qu'elle se veut autobiographique, racontant la rencontre de Dante avec Béatrice, le sentiment amoureux qu'il éprouve pour cette noble et gente dame, puis la souffrance ressentie à la mort brutale de cette dernière.
Enfin, « Vita Nova » offre un mélange des genres peu commun pour l'époque. Les pièces poétiques versifiées se greffent à des passages narratifs en prose dans lesquels l'auteur explique lui-même ses poèmes et ce qu'il a tenté d'exprimer dans ses élégies.

Ayant étudié l'art de la versification et repensant à la Dame aimée qu'il nomme Béatrice, Dante décide de composer un ouvrage poétique à la façon des trouvères de son temps, dans lequel il salue à la fois Celle qui a peuplé ses pensées et l'Amour qu'elle lui a inspiré.
En réalité, le patronyme de la jeune personne est Bice Portinari. Dante en a masqué l'identité en désignant l'objet de sa passion - ce que les troubadours appellent le « senhal » - sous le nom de Béatrice et par diverses expressions affectueuses, « Belle joie », « ma Dame », « Dame Courtoise », « la Bénie »…
Chaque poème dédié à son Amour est ensuite associé à un commentaire de l'auteur, à la façon d'une auto-analyse de son propre travail, expliquant en plan précis, la démarche poétique, les allégories, les images et toutes les variantes du sentiment amoureux qu'il a tenté d'exprimer dans ses vers.
La narration en prose se teinte également d'une large part d'onirisme, de l'exposition de songes, de rêves et de visions dans lesquels l'Etre aimé apparaît dans toute sa majesté, sa grâce, sa « béatitude ». Transcendé par un sentiment pieux, platonique, absolu, religieux, l'Amour est personnifié et révéré, honoré et glorifié, semblable à la dévotion chrétienne portée à Dieu.

« Vita Nova » est donc le récit d'une expérience sentimentale personnelle.
Lorsqu'il rencontre Béatrice pour la première fois, Dante n'a que neuf ans. D'emblée, son jeune esprit chavire et malgré son âge juvénile, « Amour » a pénétré son coeur.
Béatrice lui apparaît ensuite neuf ans plus tard, « vêtue de couleur blanche », et de nouveau sa beauté pleine de grâce le subjugue. Dés lors, elle ne quitte plus ses pensées, alimente ses rêves, s'inscrit même dans des songes à caractère prémonitoire.
Lorsque cette jeune dame bien née et appréciée de tous meurt brusquement, toute la ville de Florence «en reste comme veuve et dépouillée». Dante, douloureusement affecté, verse alors dans une profonde et morbide mélancolie. Son deuil est lourd, son âme en peine, ses yeux, « las de pleurer », ne peuvent plus « soulager sa tristesse ». Ses chansons et ses sonnets expriment la souffrance d'un coeur brisé.
Plus d'un an s'écoule ainsi, lorsqu'il croise un beau jour, le regard empreint de pitié d'une belle et jeune femme touchée par la détresse sentimentale dans laquelle il s'abîme. le visage, l'attrait, la grâce de cette personne sont un baume au coeur pour le poète qui sent alors refluer en lui la sève de la vie. Ainsi, si le souvenir persiste, sa douleur s'adoucit au seuil d'une « vie nouvelle », avec l'apparition d'un nouvel amour dont chanter les louanges et célébrer.
Le dernier chapitre de « Vita Nova » se clôt sur une « admirable vision » par laquelle le poète florentin sent en lui les bourgeons fleurissant d'une grande oeuvre à venir, qui donnera quelques années plus tard la grandiose « Divine Comédie ».

A la fois livre sur la mémoire et le souvenir, autobiographie amoureuse, recueil de poèmes courtois, on ne peut s'empêcher de penser en lisant « Vita Nova » que Dante est allé bien au-delà des canons littéraires de l'époque et qu'il a permis un réel essor dans le domaine de la littérature, en l'affranchissant et en la libérant des contraintes de son époque et en l'ouvrant sur des horizons plus vastes où les genres se confondent, se complètent et s'unissent, en langue italienne qui plus est !
Cependant, la lecture de ce petit ouvrage en vers et prose n'est pas des plus évidentes. L'interaction entre les pièces poétiques et les morceaux en prose si elle est intéressante, n'est pas toujours des plus captivantes. En ce faisant le commentateur sobre et détaché de sa propre poésie, Dante, tout en nous immergeant dans sa mémoire et dans son sentiment amoureux, nous éloigne en même temps de l'aspect empathique et profond de son amour et de sa peine.
L'oeuvre recèle donc de beaux moments, lyriques et inspirés, avec l'illustration parfaite de l'amour courtois tel que le chantaient les troubadours de Provence, que viennent quelquefois assombrir certains passages trop explicatifs, plus ternes et insipides, qui occultent le plaisir d'une lecture au demeurant enrichissante qui gagnerait sans doute à être lue dans sa langue originelle pour en apprécier toutes les sonorités chantantes et toute l'harmonie musicale.
« Vie Nouvelle » n'en reste pas moins une célébration pleine de grâce de l'Amour et de l'Etre aimé.
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