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Critique de ninachevalier


La diva aux longs cils – Charles Dantzig – Grasset ( 362 pages – 20€ )
Ce florilège, au titre aguicheur , fut cordonné par Patrick Mc Guinness, poète et traducteur, professeur de littérature française et comparée à Oxford .
Charles Dantzig nous révèle que sa fascination pour la poésie remonte à son enfance .Un talent précoce détecté : «  le génie était là. le Nobel m' espérait ».
Il adopte un ton confidentiel pour s' adresser à ce cercle d' initiés qu' il nomme « les Persans »!
Sa conception de la poésie? : « la combinaison d' une forme étudiée et d' une émotion communiquée » . Pour lui , la poésie est « un adolescent insolent et délicat qui a besoin d' un grand salon et d' air pur » . «  Elle ne sert à rien » , tout comme la lecture , au risque d' en choquer quelques uns . Il déplore qu' en France elle soit reléguée «  dans une boîte à bibelots » .
La poésie qui supporte mal « les vêtements étriqués » exige une mise en page aérée .
Les avions sont un thème récurrent ,l' auteur de s' interroger sur leur utilité . Il nous fait voyager en Europe, transiter dans des aéroports : « lieux mornes , comme s'ils voulaient nous donner des remords » . Il brosse avec ironie un tableau de l' Acropole , assaillie par des hordes de touristes , égrenant ses conseils aux guerriers grecs « gare gare/on vous mitraille », aux colonnes « cessez de danser  , aux masques tragiques « fermez la bouche , aux nymphes « promenez vous dans les bois! »
On fait halte à Venise « qui tangue »; à Londres ; à Rome .A Oxford on visite l' Ashmolean, à Paris le Louvre . On admire « le circonflexe/Du Pont-Neuf qui prend un air de Marquet ».On assiste à une corrida à Nîmes, on décolle de la baie des anges, survolant « l'église russe reine de pique ». On dîne au bord du Bosphore . Toujours en mouvement , on vole vers New-York et voit se détacher « le gland du Chrysler building » . Les tours jumelles inspirent à l' auteur des paroles prémonitoires : « Quilles que quelques uns voudraient voir renversées », poème pourtant écrit avant 2001, précise l' auteur .La mort  « aux cuisses creuses » s' invite en barque sur les « eaux du Léthé ».
Dans le bestiaire , défilent la méduse « abat-jour 1900 de brocante », le poulpe qui se « prend pour une diva d' Hollywood , les rossignols « employés par les vaches/ à sucrer leur ennui ».
Le corps déploie sa sensualité sur les plages , près des piscines , dans l' océan « rassasié qui postillonne ses embruns ». Les corps s' enchevêtrent , les mains se mêlent ,les doigts se peignent, les pieds se nouent dans : L' union des corps . « Fugace le sexe agace ». L' auteur douterait- il de la sincérité des sentiments pour conjuguer amours avec imparfait et faire rimer «  coeur avec trompeur » ? , « ce coeur , un répondeur qui prend les messages » ..
A noter le poème dédié à Patrick McGuinness, celui qui initia le projet de cette anthologie . Il déroule une guirlande irlandaise truffée de références littéraires et de quelques pastiches de vers célèbres : « Demain, dès l' aube , à l' heure où verdit l'Irlande ».
Le vers final « Je sauterai dans l' eau qui me rompra en deux » tisse le lien avec la thématique des Nageurs et confère son unité à cet ouvrage poétique ,d' une richesse magistrale, de fort tonnage, éclectique, servi par une langue travaillée avec méticulosité , un vocabulaire recherché ,une pléthore d' images, une note allègre , drôle et un humour pétaradant.
Comme l' auteur , on peut féliciter le professeur McGuinness pour ce choix savamment réalisé .
L' auteur s' interroge sur ce qu' un écrivain lègue à la postérité, convaincu que « Rien ne s' oublie et d' abord pas le passé », ne serait- ce que pour alimenter « la grossiste à images 24heures sur 24 ».
Et l' auteur de conclure par « Nous n' en finissons pas de ne pas disparaître »! .
Charles Dantzig appartient à cette catégorie des poètes très accomplis qui «  savent communiquer des émotions . Tout est dans la feinte, comme en escrime » .Ses fervents lecteurs le lisent avec délectation « pour danser avec lui » .
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