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Critique de Charybde2


Un aplomb parfois gentiment outrecuidant servi par une phénoménale érudition...

Charles Dantzig, esthète éclectique s'il en est, agace souvent... Son snobisme de bon aloi (parfaitement illustré dans son jouissif "Dictionnaire égoïste de la littérature française - 2005) se déploie d'une tout autre manière dans cette apologie du livre, de la lecture et du lecteur vorace (lui préfère parler de "grand lecteur" - mais masquer l'aspect boulimique du phénomène me semble légèrement malhonnête), parue en 2010.

On y trouvera le réconfort, la complicité, l'admiration paisible et parfois la fulgurance qu'aiment à partager, discrètement, cette catégorie de lecteurs dépassant les... disons 25 livres par an (oui, on est assez vite un "gros lecteur" de nos jours... - la moyenne française est à 5 par an semble-t-il).

Le livre est conçu comme une succession d' "arguments", sérieux, humoristiques, documentés, de mauvaise foi, de simple constat, de nostalgie, d'optimisme forcené, au choix, en faveur de la lecture (de la lecture relativement massive, pourrait-on même dire).

Au hasard, on peut noter, parmi une foule de phrases toutes plus sémillantes les unes que les autres :

"J'ai toujours eu un problème avec l'autorité. Encore maintenant, rien ne m'indigne comme ce qu'on appelle les arguments d'autorité, qui consistent comme on sait à invoquer une autorité supposée pour faire taire les questions. Ils s'opposent au raisonnement, au merveilleux raisonnement, merveilleux parce qu'il est fondé sur la confiance. Les arguments d'autorité sont fondés sur le mépris."

"La controverse m'a toujours paru un plaisir en plus d'un art. Je tiens moins à avoir raison qu'à la compagnie des êtres. On se parle, on discute, on se querelle, on tente de raisonner, on est avec quelqu'un. Mon contradicteur, mon frère. On pourrait imprimer un avertissement au dos des livres : "Attention ! Les lectures qui vont trop dans le sens de vos pensées ou de vos goûts peuvent être dangereuses"."

"Pour moi, je voulais de l'imprimé qu'on pût souligner et dans les marges duquel on pût suspendre des annotations. On m'avait appris que c'était la meilleure façon de lire, et c'est vrai. Un lecteur n'est pas un consommateur qui ferait disparaître les livres en les mangeant. Quand on dit qu'il dévore, l'image est hasardeuse. Un bon lecteur écrit en même temps qu'il lit. Il entoure, raie, met des appréciations dans tous les interstices laissés libres par l'imprimeur."

"On lit pour comprendre le monde, on lit pour se comprendre soi-même. Si on est un peu généreux, il arrive qu'on lise aussi pour comprendre l'auteur. Je crois que cela n'arrive qu'aux plus grands lecteurs, une fois qu'ils ont assouvi les deux premiers besoins, la compréhension du monde et la compréhension d'eux-mêmes. Lire fait chanter les momies, mais on ne lit pas pour cela. On ne lit pas pour le livre, on lit pour soi. Il n'y a pas plus égoïste qu'un lecteur."

Beaucoup des maximes ou des sentences ainsi assenées par l'auteur, qu'elles concernent la lecture, la littérature en général ou certains auteurs en particulier, sont évidemment discutables. Mais quel plaisir, ici, d'être d'un avis différent ! Et je suis prêt en tout cas à pardonner beaucoup de désaccords et de digressions à quelqu'un qui ose écrire dans les marges de ses Pléiade...
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