Comme chaque fois que le cousin Hector venait tortorer at-home, après le dessert, contrairement à ce que préconise une chanson de salle de garde, nous ne savions plus quoi foutre et nous nous regardions en cousins de faïence, lui et moi, pendant que Félicie, ma brave femme de mère, faisait la vaisselle.
les savants, c’est comme les collégiens ! Lorsqu’ils ont flairé un con quelque part, faut qu’ils en fassent le siège, si j’ose dire.
Misogyne par timidité, ricanai-je.
Au milieu du siècle dernier régnait un célèbre empereur plein de bonté et de sagesse du nom de Tafégalva-Nhisétonku. Le dieu-monarque n’avait qu’un défaut (mais en est-ce un ?) : il aimait trop caramboler les chambrières. Et c’est ainsi que tout dieu qu’il était, il fit un lardon à l’une d’elles, la belle, la douce, la pathétique Handofé. La loi du Shogouiat était formelle : l’empereur marié ne pouvait reconnaître l’enfant d’une roturière. Aussi maria-t-il Handofé à un riche fils de famille nommé Poulé-Hokury.
Mon regard fait un tour de buffet, et sélectionne au passage six voyageurs vêtus d’un imper sombre. Je mentionne le fait au Gros.
— Ça circoncit déjà les recherches, convient-il. Attends, je vais les mater de plus près.
Grâce à son accoutrement, il passe inaperçu, mon Valeureux guerrier. Qui donc se douterait que ce burlesque, ce grotesque, cet ahurissant personnage, est un éminent flic des services spéciaux (ô combien !).
L’hôtesse de l’air affectée à notre service est Japonaise à ne plus en pouvoir. Elle a le visage rond et jaune, un sourire énigmatique et des yeux en coups de canif. On a beau dire que c’est jaune et que ça ne sait pas, elle ouvre la bouche de saisissement en voyant débarquer Bérurier dans cette tenue extraordinaire.
— Le señor Alonzo y Cordoba y Berurier a eu un accident de voiture en venant à l’aérogare, expliqué-je. Notre taxi s’est retourné…
Comme à l’état normal le gars Béru a déjà l’air accidenté, elle accepte mon explication et nous guide à nos places.
Raymond Oliver explique à Catherine Langeais que, pour réussir la patte d’alligator farcie, il faut commencer par lui limer les ongles. Ensuite de quoi on pratique une incision dans le sens nord-sud, on retire l’articulation centrale, mais on ne la jette pas car elle doit cuire avec le court-bouillon. On hache menu les paupières, le foie et l’œil gauche de l’alligator (certains cuisiniers mettent aussi l’œil droit, mais c’est moins raffiné, car la plupart des alligators font de la conjonctivite) en y ajoutant du lard fumé, de la banane écrasée, de l’oignon blanc, de l’œillet d’Inde, de la feuille de nénuphar et de la graine de héros. On fourre la patte (en évitant de se la fourrer dans l’œil. On recoud avec du coton à repriser vert (le vert étant la couleur de l’alligator). Puis on met à cuire au court-bouillon ainsi qu’il a été dit plus haut. On attend seize heures quatre minutes. On retire, on égoutte, on met dans un plat de terre, on épice avec de la noix muscade, du curry, du paprika, du poivre de Cayenne (la marque Chéri-Bibi est préconisée), des clous de girofle, de la sauge, du thym, du laurier, du bleu de méthylène, du trèfle à quatre feuilles et un article de Jean-Jacques Gauthier paru depuis moins d’un mois. Lorsque la patte est bien dorée, on la retire du four. On la dresse sur un plat d’argent contrôlé, on garnit avec des nouilles fraîches et la photographie du Négus et on sert. Raymond Oliver précise que la patte d’alligator se consomme arrosée de jus d’ananas ou, à la rigueur, de Chambertin 1949, et il ajoute que si l’on ne trouve pas de patte d’alligator dans le commerce, on n’a qu’à aller au Grand Véfour où le foie gras truffé est de première !
Je sonne avec ma distinction coutumière et, presque aussitôt, la voix chuintante de B.B. fulmine :
— Ah ! non alors ! Qui c’est encore le cornichon qui vient nous faire chier.
Ignorant jusqu’à ce jour les vertus laxatives de ce cucurbitacée, je venge l’honneur d’icelui en arrachant l’anneau de la sonnette.
Je crois que décidément j'ai le ticket-maison, me souffle-t-il en aparté. Elle vient de me dire que j'étais son genre à bloc. Elle aime les hommes gros et forts qu'ont des cicatrices et des manières brusques ; mon cas en somme.
La vie est pleine de rencontres rapides. Un regard, un sourire, des promesses informulées, et puis bonsoir...