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Critique de Presence


Des princesses, pas des pimbêches -
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Comme son titre l'indique il s'agit d'un livre présentant une bonne trentaine de princesses oubliées ou méconnues, ainsi que quelques éléments indissociables de la vie d'une princesse (berceau, éventail, blasons, voyages, repas, etc.). Ce guide indispensable a été réalisé par Philippe Lechermeier et richement illustré par Rébecca Dautremer. Il est impensable de croire qu'il a fallu attendre 2004 pour disposer enfin de cet ouvrage essentiel.

La page d'introduction donne le ton : il s'agit de découvrir tout ce qu'on connaît de ces princesses inconnues, anonymes ou disparues, dans lesquelles peut-être que la lectrice s'y reconnaîtra. La première entrée commence par le commencement : le berceau, et les compliments des amis de la famille, avec quelques observations sortant de l'ordinaire, allant de prophétie sur la capacité à écrire sans faute d'orthographe, à une qui est restée dans les annales à propos d'un fuseau et d'un rouet. Cette page comprend un petit tableau réalisé à la main classifiant 21 graines de princesse, avec leur représentation. La lectrice tourne la page et découvre alors la princesse de la Molle, princesse appartenant à la famille des rois fainéants. Il y a un portrait en pied de la princesse, en fin non pas tout à fait. Il s'agit plutôt d'une princesse douillettement allongée dans son lit moelleux, profitant voluptueusement de cette détente totale, de cet abandon. Cette double page comprend également un schéma détaillant le principe du lit à baldaquin, avec ses voiles en soie, en dentelle, ou en ailes de libellules. Et le texte mentionne 3 autres princesses de la même famille : la Belle au Bois Dormant, la princesse de Cufardie (jamais levée, toujours couchée), et la princesse des Plumes (qui vit dans la Lune). de page en page, la lectrice découvrira des princesses toutes incroyables et pleines de caractère que ce soit celle de Fatrasie (bavarde comme une pie, et qui prononce plein de gros mots), ou celle de celle de Badaboum (célèbre dans toutes les cours d'Europe pour sa maladresse, et dont la double page comprend une petite annotation sur le terme "petit boudin"), ou celle de Kouskâh (qui préfère le maniement du sabre à l'apprentissage du piano et qui déteste les jérémiades)... Il existe même une double page expliquant comment on devient reine.

Ce livre est un enchantement et un délice rare du début jusqu'à la fin. La quatrième de couverture indique qu'il s'adresse à des enfants à partir de 6 ans. le texte fait référence à des contes et légendes (la belle au bois dormant) et une partie de sa saveur réside dans le décalage entre ces princesses inconnues, et les princesses connues. Les illustrations dépassent largement le principe de la représentation littérale pour transcrire les sensations, les sentiments et l'état d'esprit, en prenant toutes les libertés possibles par rapport à un dessin purement figuratif. Par exemple la princesse de la Molle est accueillie par un édredon rose pâle, sa chemise de nuit est assortie (avec un peu de dentelle blanche au poignet et au cou). Elle dort dans une position ondulée (pas forcément compatible avec l'anatomie humaine). L'objectif n'est pas de représenter fidèlement un lit, mais bien de transcrire le calme apaisant, rassurant et doux ressenti par l'enfant dans cet endroit de sa chambre qui lui appartient totalement.

En fonction de la nature des princesses, Rebecca Dautremer compose son illustration autour des éléments les plus significatifs. Dans le cas de la princesse de la Molle son environnement en dit plus long sur elle que sa propre personne, par contraste le portrait de Kouskâh se focalise sur sa personne. C'est celle qui a été reprise pour la couverture de l'édition avec couverture rigide, sauf que dans les pages intérieures, elle porte en plus un bandeau sur l'oeil gauche. Cet accessoire renvoie bien sûr au bandeau de pirate dans l'imaginaire des enfants (et dans les stéréotypes de l'adulte). Bien sûr, il ne s'agit pas d'un simple bandeau noir, il est confectionné dans un tissu proche du velours (mais sans côte), avec motif de fleur au niveau de l'oeil. La princesse (dont on ne voit que le buste) est habillée d'une tunique aux jolis motifs en forme de plume de paon, avec des teintes majoritairement rouge et rose. Elle a un petit pendentif de couleur assorti à sa tunique, et une sorte de protection en osier sur la tête pour protéger sa chevelure, mais aussi accueillir des papillons. Enfin elle a des épaules plutôt fines, à l'opposé d'une carrure de déménageur. D'un coté cette description permet de constater la profondeur de la composition de R. Dautremer ; de l'autre elle met en évidence la féminité de la personne représentée. C'est l'un des attraits majeurs de ce livre que de présenter des filles dans toute leur diversité, leur caractère (avec les bons et les mauvais cotés), sans jamais tomber dans une représentation empruntant ses codes à l'univers des illustrations pour garçon. Ce point de vue systématiquement féminin ne donne pas une image réductrice de la femme, justement parce que les caractères des princesses sont divers et variés, et ne gomment pas les défauts de caractère. La Papagnasse du Péloponèse est une princesse rondelette, ne répondant pas aux critères drastiques de la beauté féminine. L'image et le texte présentent clairement sa condition de surpoids, sans jouer sur la culpabilité ou la condamnation. Lechermeier et Dautremer dressent le portrait de princesses présentant une grande diversité de caractères, mais aussi de races et de cultures.

La beauté, l'intelligence et la sophistication des illustrations attirent immédiatement le regard et l'attention, occultant les textes. Toutefois, dès la plongée dans les premières pages, le texte et la composition de l'ouvrage recèlent autant de surprises et d'intelligence que les illustrations. L'apparent désordre dans la présentation des princesses (illustration principale, plus schéma ou croquis, ou esquisse, accompagnés d'un texte principal, avec des petits ajouts à coté, des notes rapides griffonnées au dessus du titre, comme une pensée de dernière minute) relève également d'une composition sophistiquée. le mélange entre pages consacrées aux princesses, et pages consacrées à leur environnement crée à la fois une sensation de désordre, de légèreté, et il invite le lecteur à papillonner au gré de sa fantaisie et de son humeur, de sa sensibilité face aux illustrations. L'écriture utilise un vocabulaire riche et varié, avec des phrases pas trop longues, toujours teintées d'un humour chaleureux, jamais méchant. Il est fait régulièrement référence à des éléments culturels de nature diverses et variés de la Belle au Bois Dormant à la Reine de Saba, du cacatoès au bison, du fandango à la bamboula, etc. L'ouvrage se termine avec un guide pratique de ce qu'il faut savoir sur les princesses (Il n'existe à ce jour aucune solution pour faire taire une princesse. C'est comme ça.) un test (quelle princesse êtes-vous ?), des proverbes (La princesse a beau être petite, elle n'est pas l'esclave de la reine), un index alphabétique, un index thématique et une table des matières.

Pour les parents qui ont des filles et qui souhaitent leur lire un livre fait pour elle, "Princesses oubliées ou méconnues" constituent un ouvrage d'une richesse incommensurable, tant sur le plan graphique, qu'au niveau des textes. À l'opposé des princesses parfaites et aux aventures calquées sur celles de garçons, ces princesses présentent des caractères particuliers non dépourvus de défauts, des personnalités dans lesquelles les lectrices pourront se retrouver, se reconnaître, accepter leurs différences et leurs défauts sans jamais culpabiliser.
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