AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Tachan


Il y a 3 ans, je découvrais avec plaisir la plume de Lionel Davoust dans Port d'âmes, un titre où son style m'avait ravie, notamment grâce à un univers original, mais où je n'avais pas du tout été emportée par l'histoire qui est trop renfermée sur elle-même et qui manquait de lyrisme et d'épique pour moi. C'était bien fait, c'était sombre, c'était dangereux, mais ce n'était pas ce que j'attendais et j'étais ressortie un peu déçue surtout que l'univers antérieur était prometteur, lui. Je ne voulais donc pas rester sur une défaite.

La Messagère du Ciel, premier tome de la quadrulogie des Dieux sauvages était parfaite pour me remettre le pied à l'étrier, puisque se déroulant dans le même univers, l'Evanégyre, imaginé par l'auteur et qu'on retrouve dans chacun (ou presque) de ses titres. La Messagère du Ciel se déroule près de 500 ans avant Port d'âmes dans l'ancien Empire d'Asrethia, après la chute de ce dernier, tandis que deux divinités se livrent à un affrontement sans pitié en utilisant les hommes et autres créatures à leur service pour les départager.

-------------------------

La plongée dans l'univers des Dieux sauvages ne fut pas simple. J'ai trouvé les cent premières pages environ très touffues et parfois confuses, remplies de nom et de concepts pas toujours explicités. En plus, je n'ai remarqué que très tardivement la présence en fin de tome d'une toute toute légère aide... Parfois, je me dis qu'il serait bien de rappeler au début justement que cela existe, mais ce n'est qu'un détail. Bref, l'entrée en matière ne fut pas simple. Pour autant, j'ai très vite saisi que j'étais en présence d'un univers qui allait me fasciner.

En effet, Lionel Davoust nous propose un titre de fantasy épique dans un cadre moyenâgeux encore barbare par bien des aspects, où la politique mais surtout la religion sont très présents et saisissants. Peut-être est-ce l'influence des premières couvertures du titre chez Critic mais j'avais presque le sentiment de me retrouver dans quelque chose de vraiment primitif et c'est assez rare dans mes lectures pour me dépayser.

Pour porter ce récit, l'auteur offre une ribambelle de voix à suivre. Au début, le changement très fréquent de narrateur me perdait. On passait d'une jeune femme un peu sauvage vivant en lie de la société, à un jeune héritier qui ne veut pas l'être, ou encore au frère d'un roi dément, à la femme de celui-ci ou encore à un noble rebelle, sans parler d'un chef de guerre ennemis dans une société mi-bestiale mi-zombie fort étrange. J'avais du mal à suivre. Mais petit à petit, je me suis laissée enivrer par leurs aventures très immersives.

-------------------------

Il faut dire que pour nous faire entrer dans son univers complexe, l'auteur, chose rare, offre un début de saga extrêmement rythmé. Passé ces premières pages assez denses, l'action monte et monte jusqu'à un pic épique dès le milieu de ce premier tome. J'ai trouvé ça surprenant et culotté ! J'ai adoré. Il repose ensuite le rythme avant de repartir à l'assaut pour les dernières pages. Un sens du rythme que j'ai rarement trouvé et que je salue tant il m'a fascinée, associé en plus à un sens de la mise en scène excellent, comme lors de la scène représentée en couverture. C'était palpitant à suivre.

Mais venons-en un peu au cadre de cette histoire. La Messagère du Ciel se déroule dans un ancien Empire qui a chuté, désormais partagé en plusieurs unités géographiques tantôt alliées tantôt en conflit. Au coeur de tout ça, la maison royale de Rhovelle, dont le roi Eoel II est souffrant depuis des années, tandis que sa femme Izara dirige à travers un conseil de régence où siègent plusieurs puissants dont Luhac, le frère du roi, et le jeune Juhel, duc de Magnésie qui vient d'hériter du titre. Depuis plusieurs décennies, ils vivent dans la crainte d'un phénomène contre lequel ils ne parviennent pas à lutter : les Anomalie, des sortes de trous spatio-temporels qui se déplacent et transforment la plupart des êtres qui y pénètrent en leur conférant des "difformités" diverses et variées. Ils doivent également affronter les forces voisines des Mortes-Couronnes où l'Armée de la Nuit, dirigée par Ganner, le prophète du dieu rival au leur, prend les armes et se lance à l'assaut de leur pays. le tout pendant que des Ducs rebelles remettent en cause l'autorité de la famille royale. Bref, beaucoup de mouvements en perspective.

Mais de tout cela, Lionel Davoust fait une histoire parfaitement cohérente, simple et passionnante à suivre. La complexité apparente de l'univers s'éclaire au fil des chapitres pour mettre à jour des rouages parfaitement détaillés par l'auteur et qui se mettent en branle à la perfection. C'est juste passionnant et fascinant de voir comment tout s'imbrique.

-------------------------

Mais l'histoire ne serait rien, comme bien souvent, sans ses personnages et c'est là que j'ai pris le plus de plaisir. Car au delà de la politique du royaume, des complots des Ducs, des assauts lancés par les ennemis et du mystère de ses anomalies, c'est dans l'utilisation de la religion dans cet univers que j'ai trouvé que l'auteur s'accomplissait. 

En effet, l'héroïne de son récit n'est ni plus ni moins qu'une nouvelle Jeanne d'Arc, sauf qu'à la différence de celle-ci, Mériane n'est pas du tout croyante, bien au contraire et qu'elle remet fortement en question l'ordre de la société dans laquelle elle vit, établi par une religion on ne peut plus patriarcale. Elle est fascinante. J'ai adoré suivre une héroïne qui lutte contre ce destin que les dieux tentent de lui imposer. Elle se retrouve d'un coup, sans l'avoir demandé, à entendre directement dans sa tête la voix d'un dieu qu'elle méprise et dont elle ne veut pas. Celui-ci veut faire d'elle son Hérault, elle refuse ce titre masculin pour s'auto-proclamer plutôt Messagère. J'adore cette femme ! C'est une féministe avant l'heure.

Et les aventures qu'elle va vivre ne sont ni plus ni moins qu'une réinterprétation de celles de notre Jeanne d'Arc nationale. Elle va d'abord ne pas être cru, bien sûr, par l'Eglise du grand dieu Wer, qui va la rejeter. Embarquée de force dans cette histoire, elle va donc devoir se trouver des alliés de circonstance et elle profitera de ce nouveau statut non seulement pour aider le peuple de Rhovelle mais aussi pour aider ceux plus petits et plus proches d'elle. Toute la dernière partie du roman est assez fascinant dans sa construction en miroir avec ce qu'on sait de l'épopée de Jeanne et qui nous est promis pour la suite de l'histoire dans les prochains tomes. Ça donne hâte de les découvrir !

Mais en plus de cette si belle héroïne, l'auteur n'a pas fini d'inventer des personnages solides et charismatiques dans chacun des camps. J'ai été fascinée par la figure de Ganner, le Chef du clan adverse, qui règne sur un peuple d'espèce de zombie créer par son Dieu, Aska. Les Dieux eux-même qu'on entend lors de bref interludes sont plein de nuances et fascinent. Je serais bien en peine de dire lequel je soutiens tant je le trouves fourbes tous les deux dans leurs échanges et actions.

Du côté des alliés, comment ne pas succomber pour le doux et timbré Darèn, qui accompagne notre Elue. J'aime qu'un auteur mettent délibérément en avant quelqu'un souffrant de troubles mentaux comme lui, sans le nier et sans le dénigrer. J'ai aussi apprécié frère Leopol, un croisé, dont l'évolution est peut-être prévisible mais intéressante et surtout dont le passé lui donne une autre envergure que ce qu'on pouvait croire au début.

Je suis plus réservée pour ce qui est des nobles de ce cher royaume. Si la reine est un personnage comme je les aime, une femme forte, maligne, qui ne se laisse pas dicter sa conduite tout en restant aimante. J'apprécie moins les Ducs autour d'elle et leurs rejetons. J'ai l'impression d'y voir des figures plus classique, du frère blasé par la vie qui se laisse porter, au duc rebelle qui prend les armes mais échoue lamentablement. J'attends de voir et mes espoirs reposent notamment sur la nouvelle génération.

Enfin, il y a le mystérieux duo Chunsène - Nehyr, la première étant une vagabonde originaire de Mandre et la seconde une éclaireuse et archère. Elles avancent au milieu de ce monde en pleine agitation, traversant les conflits pour ... faire je ne sais trop quoi. J'ai l'impression d'avoir manqué d'attention avec elles et j'ai juste retenue que Nehyr était la seule à voir Chunsène, ce qui est fort mystérieux.

-------------------------

Ainsi, ce premier tome fut un franc succès pour moi. J'ai adoréé le cadre brutal et mystérieux imaginé par l'auteur, mais également l'héroïne forte et féministe, porteuse d'un vrai message, qu'il a imaginé. J'ai trouvé ce premier tome original aussi bien de par sa construction, avec ce point culminant dès la première moitié, que par ses propos, avec cette revisite maligne de la figure de Jeanne d'Arc et de sa quête. Lionel Davoust m'a alpaguée pour de bon et je ne suis pas près de lâcher l'affaire !
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
Commenter  J’apprécie          100



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}