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Critique de mylena


Par où commencer pour parler de ce roman époustouflant ? D'abord je l'ai laissé traîner des années sans dépasser la première page. Je n'accrochais pas du tout. Et puis j'ai pris la nouvelle traduction, j'ai commencé la première page en la lisant à haute voix, et j'ai tout de suite apprécié cette prose que j'appréhendais tant : elle a du rythme, des accélérations, des ratés, on y sent les bruits et le va-et-vient incessant dans la ville, le parler populaire. Chapeau au traducteur !
Des tas de choses m'ont certainement échappés : certains des événements de l'époque mentionnés, à peu près toutes les références à des chansons de l'époque. Quelques notes n'auraient pas été inutiles, mais d'un autre côté cela aurait nuit au rythme de la lecture, si important ici. Alors, tant pis ! Et puis aussi il y a toutes ces références à des personnages bibliques ou mythologiques (Job, Oreste, ...). C'est certainement important pour le sens profond du roman, mais même indépendamment du sens, ces passages sont comme de grandes respirations dans le récit. S'il existe une version audio, cela doit être très intéressant ! En tout cas, c'est un livre que j'ai refermé en me disant qu'il faudra absolument que je le relise un jour.
Donc c'est un roman qui nécessite beaucoup de lâcher-prise de la part du lecteur pour passer outre ce qui lui échappe et se laisser porter par son ressenti par moments. Par ailleurs l'histoire est assez simple, comme l'écrit Fassbinder dans le texte qui accompagne cette édition, "l'histoire de Franz Biberkopf, fraîchement sorti de prison, en 1928, après avoir été condamné à quatre ans pour avoir tué sa compagne d'alors avec un fouet à pâtisserie, et qui fait le serment d'être désormais honnête, n'arrive pas à se tenir à cette décision, n'est jamais qu'une succession, parfois incroyablement brutale, de petites histoires en vrac, désaccordées et qui, pour chacune d'elles, pourraient fournir à la presse à scandale la plus immonde les gros titres les plus obscènes. L'essentiel, dans Berlin Alexanderplatz, n'est donc pas son histoire, voilà bien une chose que ce roman partage avec d'autres romans de la littérature universelle". Où est donc l'essentiel, en dehors de la langue et de l'histoire ? Dans l'atmosphère, dans le portrait de Berlin en 1928, la peinture du Lumpenprolétariat et des bas-fonds berlinois avant même la crise de 1929, tout un monde de faibles et de laissés pour compte que la ville va engloutir, un sentiment de catastrophe annoncée, de désastre en cours illustré par la descente aux enfers de Bibenkopf. Comme Bardamu il va au bout d'un voyage au bout de la nuit (ils ont en commun aussi d'avoir fait la guerre, ils sont de la même génération, les deux fréquentent des milieux populaires mais Bardamu a aussi d'autres fréquentations et passerait pour un intello à côté de Bibenkopf). Autre point commun : Döblin, comme Céline et son Bardamu, était un médecin des quartiers populaires. Aucune place n'est laissée au suspense, bien au contraire le narrateur nous annonce par avance la suite des événements ou que ça va encore aller plus mal, parfois simplement par les têtes de chapitre. La position du narrateur est riche et complexe, il n'est pas neutre, s'adresse au lecteur, invective ses personnages auxquels il laisse cependant une place prépondérante. Il y a des scènes incroyables et mémorables : la description des abattoirs, l'hôpital psychiatrique, …
Au premier degré la morale semblerait que l'homme n'a qu'à se soumettre sans lutter car de toute façon sa destinée, la vie, ce qui doit arriver, … l'emportera, quoi qu'il veuille. Mais en filigrane l'auteur nous dit aussi qu'il est bon et nécessaire de lutter de toutes nos forces sans jamais abandonner. Quand à la toute fin du roman elle résonne curieusement quand on songe à la suite de l'Histoire Allemande.
Berlin Alexanderplatz, quelle écriture ! C'est une lecture que je n'oublierai pas de sitôt.
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