AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de PatrickCasimir



"Les écrivains qui n'aiment pas Victor Hugo me sont ennuyeux à lire, même quand ils n'en parlent pas." (Jules Renard).
Exergue du monumental Victor Hugo d'Alain Decaux que je fais mien !
De cette magistrale biographie de Victor Hugo, l'historien aurait pu s'exclamer comme l'autre : J'ai achevé un monument plus durable que l'airain.
Alain Decaux raconte Victor Hugo dans le ton du rhapsode antique. Mais avec la plume. Ce talent unique d'historien conteur qui a séduit des millions de téléspectateurs durant des années, il l'a mis au service d'un géant dont la vie se déroule sous le "calame" de l'auteur à la manière d'une épopée.
Car la vie de Victor Hugo est une épopée ! Et je rends ici hommage à un historien - biographe, qui me l'a fait mieux connaître et qui renforce encore, s'il en était besoin, l'admiration que j'ai toujours portée à ce génie-visionnaire qu'est Victor Hugo.
On a tenté de le "ringardiser" ; mais "les morsures de cygne" de son temps comme du nôtre, se sont toujours révélées pathétiques de médiocrité envieuse.
Ses détracteurs ont souvent peiné à élever leurs pensées et leurs sujets de prédilection au-dessus d' histoires étroitement particulières, alors que le poète embrasse tout le genre humain, toute la misère humaine, tout l'espoir des peuples..., ainsi que le mystère de la vie même et ce, avec des accents que l'on ne trouve nulle part ailleurs, sauf peut-être chez ceux qui ont reçu le don de révéler au monde les grands mythes du ciel et de la terre.
Revenons à Alain Decaux ; pour nous faire saisir la vérité de son sujet et modèle, il a utilisé un style digne de celui-là, digne de la démesure du poète.
Il a conté les souffrances de l'enfance au sein d'une famille dont les parents se déchirent.
Il a montré combien le destin se fait arbitraire en choisissant Victor au lieu d'Eugène à la cruelle destinée.
Il a décrit avec minutie, l'ambition, le matérialisme du poète, parfois son souci exagéré de l'économie qui frise la pingrerie, en puisant aux sources indiscutables, démasquant les thuriféraires du génie, prompts à travestir des vérités gênantes ou à embellir exagérément les faits et gestes du génie.
Il a révélé, de Victor Hugo, les bonheurs et les drames, intimes ou publics, et l'inspiration créatrice qui en est résultée. Surtout les drames terribles, en forme de punition divine, avec la disparition tragique de Léopoldine et son époux, au moment même où le poète folâtre à travers la France avec sa maîtresse. Les drames semblant ceux de Job quand ses fils décèdent, quand Adèle 2 sombre dans la folie...Quand sa femme puis Juliette le précèdent dans la mort.
Il a suivi "cette force qui va" tout au long de son oeuvre, avec ses combats littéraires, ses luttes politiques, ses succès, ses triomphes, ses échecs, son mysticisme qui lui permet d'approcher le Trône divin ou de parler avec lui-même lors des séances de la table bavarde.
Il a dit le courage non seulement politique, mais physique, de ce géant qui a bravé la mort, là où d'autres se sont terrés. Et voilà que l'exil rend sa voix encore plus puissante et que l'histoire, avec la défaite de Sedan, et le retour, si timide qu'il ait été, de la République, lui donne raison, comme les prophètes de ce Dieu qui l'occupe tant.
Il a trouvé les justes accents, parfois teintés d'humour, pour parler des multiples amours de Victor Hugo, notamment, à l'automne de sa vie, ses amours ancillaires ou vénales, qui nous le font paraître comme un vieillard lubrique, insatiable...N'est-ce pas le lot de tous ces grands hommes dont l'énergie hors norme exaspère la libido ?
Et comme l'auteur a magnifié Adèle et Juliette qui se réconcilieront à l'automne de leur existence ! Deux âmes d'une grande élégance dans la rivalité puis dans la paix. Deux âmes marquées par l'infidélité et la Fidélité jusqu'au bout de leur existence.
Et Gauthier ! Et Dumas ! et Flaubert ! et Chateaubriand ! Et Balzac ! Et Sand ! Ah ! quel siècle que ce 19 ème ! J'en oublie bien sûr ; de ces amis qui ont participé à ses combats littéraires.
La bataille d'Hernani ! On croirait nommer une bataille napoléonienne. Non ! c'est une bataille littéraire. Alain Decaux nous plonge au coeur de l'agitation bagarreuse de cette période qui a vu s'opposer, avec violence parfois, romantiques et académiques, à la manière d'un reportage, avec le rythme du reportage. On ne lâche pas ces pages.
On admire, avec l'historien, cet "Himalaya", non point "bête" comme s'exclamait Leconte de Lisle qui, sans doute, voulait faire un bon mot aux allures d'oxymore, et que Hugo, en retour, a trouvé bête, tout court.
Mais, dis-je, cet "Himalaya " sublime, source généreuse, la richesse venue, avec les autres, les siens comme l'étranger, source prodigieuse de torrents tumultueux de vers dévalant les pentes jusqu'aux plaines sereines de "L'art d'être grand père" ou "Des chansons des rues et des bois", etc., etc.
Et puis, il y a Juliette, formant avec le poète un couple mythique, de la faute au commencement et de la vertu à la fin, couple de légende comme il s'en trouve dans l'histoire et la littérature Victor et Juliette, comme Vincent et Mireille, Abélard et Héloïse, Paul et Virginie, Daphnis et Chloé, Tristan et ... Roméo et... etc., etc.
Il y a la fidélité de Juliette, sa capacité à supporter les humiliations de son statut, à vivre dans l'ombre les pires souffrances infligées par un amant cavaleur, à risquer sa vie pour lui, à se révolter contre cet homme par des départs, toujours provisoires, mais qui lui font voir combien Hugo tient à elle. Il y a les colères jalouses de Junon contre Jupiter, et à la fin, les seuls mots qui vaillent de part et d'autre : "Je t'aime'".
La partie de la biographie la plus émouvante, la fin ! Celle ou le peuple de France et d'ailleurs, peuple innombrable, suit le corbillard du pauvre jusqu'au Panthéon en pleurant celui qui est resté la voix la plus puissante qui se soit exprimée en France et en Europe !
Alain Decaux nous a livré une belle épopée vraie.
Pat

Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}