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Critique de Kirzy


°°° Rentrée littéraire 2023 # 25 °°°

Paul, médecin légiste reconnu, marié deux enfants, prend la voiture en pleine nuit pour l'autopsie d'un coeur de jeune femme trouvée dans un ravin. Dans quelques heures, il va avoir 50 ans, l'âge que sa mère n'a jamais atteint et qu'il pense ne jamais atteindre. Durant tout le trajet, son esprit divague dans le passé et se fixe plus particulièrement sur Alma, interne en psychiatrie, qui le fascine depuis leur rencontre quelques mois auparavant, ouvrant un gouffre dont il se croyait libéré.

Dès les premières pages, le lecteur est immergé dans l'imbroglio psychique de cet homme complexe, sombre, plein de névroses, cadenassé entre vulnérabilité dépressive et hypersensibilité ( il est atteint d'hyperosmie ), dans sa saisissante rencontre avec Alma, personnage tout aussi borderline que lui. Alma intervient en narratrice en quelques chapitres, voix en contre-temps qui n'éclaire pas plus le récit tellement les deux semblent être des narrateurs peu fiables par leur ambiguïté.

On a souvent l'impression d'être dans un film de David Lynch, particulièrement Inland Empire ( pour les flux de pensées, les obsessions, les visions qui traversent le cerveaux des deux protagonistes ), Lost Highway ( pour la conduite nocturne qui devient un dédale mental dont on ne sait s'il mène à un cul-de-sac, une épiphanie ou à une catabase ), on encore Mulholland Drive ( pour le jeu réalité / fantasme, ainsi que les mondes parallèles qui s'offrent à Paul, son épouse d'un côté et Alma ).

Par sa forme et son fond en symbiose, la proposition est audacieuse, déstabilisante, sans concession. Une tension oppressante assaille le lecteur. La mort est omniprésente, avec ses conséquences physiques et organiques décrites de façon très crues sous l'angle de la pratique légiste de Paul. Il y flotte une atmosphère étrange et inquiétante, à l'image des dialogues entre Paul et Alma :

« D'où je me situe, assis en face de vous, j'ignore votre odeur. Un jour, peut-être allons-nous nous retrouver dans une situation différente, vous serez plus près de moi, et je saurai l'odeur de votre épiderme. Et ce qui me frappera sur le moment, c'est l'idée que cette odeur qui est la vôtre vous survivra dans ma mémoire. le sang est d'une constance inégalable. Que votre fin soit brutale ou paisible, que le corps vidé de sa vie soit celui d'un enfant ou d'un vieillard, son contenu produira la même odeur dégueulasse. L'odeur de sang efface la hiérarchisation des morts. Mais l'odeur des vivants, celle qui permet l'identification les yeux fermés, parce qu'elle perdure rend intolérable l'instant qui suit la disparition. »

Le texte dérange, sortant le lecteur d'un certain confort mainstream. J'ai encore du mal à savoir si j'ai totalement apprécié cette proposition littéraire radicale, mais ce qui est sûr, c'est qu'on y repense, qu'elle hypnotise à défaut d'un plaisir immédiat.
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