Citations sur Monument national (25)
Note nouvelle nurse s'avança à petits pas mouillés. Ses baskets faisaient floc floc sur le dallage, celles de Marvin dessinaient des ronds furieux autour de la valise.
- Ici tu as le petit salon, là le grand, la salle à manger, l'intendance, la cuisine, récita Ambre tout en indiquant les portes closes.
Cendrine se garda bien de révéler qu'elle connaissait les lieux pour s'être baladée dans tout le rez-de-jardin pendant la fête. Elle s'informa seulement de l'heure de l'apéritif, prévenue par Abdul que c'était le rassemblement de notre tribu.
Les mannequins venues et consentantes ne se racontaient pas d'histoires quant à leur relation avec Serge Langlois. Elles n'espéraient même pas qu'il propulse leur carrière par un mot bien senti près d'un directeur de casting. Elles étaient surtout désireuses de voir comment jouissait, sous leurs assauts, un monument national.
D'une pierre trois coups, elle devint mère, affirma sa position d'épouse entièrement dévouée à sa famille et à la paix dans le monde, et s'assura la matière d'un compte Instagram bien nourri.
P108 : "Un bourbon à la main, notre père considéra le matériel à ses pieds et fit aussitôt demi tour. Mais Ambre se tenait derrière lui, munie d'une paire de baskets. Voulait il plonger dans l'affliction sa femme, sa famille, et la nation tout entière par la même occasion ? Serge avait des responsabilités, lui rappela-t-elle en troquant les baskets pour le bourbon. 800 000 personnes avaient liké son dernier post - une photo de notre tribu tous pouces levés à l'annonce de la fête élyséenne-, et elle lui mit sous le nez le smartphone. Serge s'attarda sur un coin de la photo. "
Le chauffeur Raph nous conduisait alors chez le marchand de journaux. Ambre chaussait ses lunettes noires dès qu'elle descendait de la Bentley. Les passants se retournaient derrière nous, certains prenaient des photos. La semaine suivante, elle nous montrait dans un magazine les images qu'on avait prises à cette occasion.
Bien sûr, notre famille avait mis son capital à l’abri. Quelques années plutôt, nos parents avaient pris conseil auprès d’un fiscaliste. Celui ci leur avait aussitôt fait remarquer qu’il n’était pas raisonnable, et même tout à fait imprudent, de laisser croupir notre argent dans le même vieux pays quand des contrées plus neuves, plus modernes, offraient des conditions autrement intéressantes.
Le fiscaliste, pour sa part, n’éprouvait aucune réticence à faire appel aux banques. Seuls les pauvres vivaient de leur argent, résuma-t-il au grand salon, les gilets jaunes qui s’échinaient à rembourser des agios quand la notoriété ouvrait partout d’infini lignes de crédit
Sans pouvoir se passer de Dominique Bernard, notre mère se défiait de lui. Elle craignait toujours, avec le nombre de ses relations, qu’il ménage des intérêts concurrents. Aussi, quand l’agent fit valoir des raisons protocolaires, et lui représenta qu’on ne pouvait s’inviter à l’Elysée, si célèbres soit-on, en posant tout un tas de conditions, elle demanda sèchement ce qu’il proposait pour satisfaire à la fois le peuple et le président.
Dominique Bernard n’avait pour ambition que de satisfaire les artistes, plaida-t-il. Et si le bonheur d’Ambre et Serge passaient par une fête nationale, eh bien soit, on trouverait le moyen d’inviter le peuple à la party. Mais on ne pourrait pas instagramer toute la soirée en direct de la présidence. À la place, on filmerait une courte vidéo avec la première dame dans les jardins de l’Élysée. Brigitte serait enchantée de présenter ses petits enfants à la progéniture de Serge.
« Quant à nos admirateurs, ils bouillaient de rage. Sur les réseaux déferlaient des invectives contre l’intrigante, cette Cendrine Barou qui avait manipulé le monument national sur son lit de mort pour accaparer sa fortune. Qu’importaient le château, la villa, le yacht, les automobiles. »
« Toujours est-il qu’il faudrait se contenter de la Rétrospective à la Cinémathèque, de la palme d’honneur à Cannes et d’un dîner semi-privé à l’Elysée. Événements que Paris-Match relaierait avec tout le zèle nécessaire, se consola-t-il, et Ambre renifla son accord en chassant Biniou, qui s’enfuit aussitôt dans le parc. »
Quant à nos admirateurs, ils bouillaient de rage. Sur les réseaux déferlaient des invectives contre l’intrigante, cette Cendrine Barou qui avait manipulé le monument national sur son lit de mort pour accaparer sa fortune. Qu’importaient le château, la villa, le yacht, les automobiles. Sans argent pour les entretenir, ce n’était pas un cadeau mais une malédiction, s’indignaient-ils comme s’ils avaient eux-mêmes fait l’expérience des grandes demeures avant de choisir, en toute connaissance de cause, de s’installer en pavillon à Sartrouville ou Melun.