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Critique de JessieL


Dans Peines de Mots Perdus, on retrouve une figure emblématique du Royaume de Vent et de Colères. Il s'agit d'Axelle de Thorenc que l'on va suivre à différents moments de sa vie. Ainsi, de capitaine de la compagnie de mercenaires du Chariot, elle devient chevalière de Saint-Germain. D'ailleurs, la voici à nouveau missionnée par le roi de France qui la charge de prendre la direction de l'Angleterre pour investiguer du côté d'une société secrète qui agit à l'ombre du pouvoir et s'intéresse d'un peu trop près à l'Artbon. Or, cela déplaît et inquiète en France, surtout de voir tomber entre les mains de la souveraine anglaise un puissant artefact venu du Nouveau Monde. Une enquête qui s'annonce déjà à haut risque pour Axelle alors la question qui fleurit sur toutes les lèvres est de savoir si elle va y survivre ?

Comme dans ses trois précédents romans, Royaume de Vent et de Colères, La Guerre des Trois Rois et du Roi Je Serai L'Assassin, Jean-Laurent del Socorro insère son récit dans une période historique troublée, propice à la conspiration et à la trahison.

Il jette cette fois-ci son dévolu sur la scène politique anglaise de la fin du XVIe et début du XVIIe siècle. On est en plein règne d'Elisabeth Ire où le royaume d'Angleterre manque de peu d'être envahi par l'Armada espagnole et où la reine elle-même échappe à plusieurs complots. Mais l'ère élisabéthaine inaugure aussi l'épanouissement du théâtre anglais sous l'égide d'un certain William Shakespeare ou de Christopher Marlowe et on assiste aussi à l'essor des colonies anglaises au Nouveau Monde rendu possible par des aventuriers de la trempe de Francis Drake et de Walter Raleigh.

Or, Jean-Laurent del Socorro va s'appuyer sur tous ces éléments qui vont lui servir de décor pour insérer les aventures d'Axelle de Thorenc. Ainsi, elle va d'abord intervenir pour le compte de l'Ecole de la Nuit. C'est une société secrète avec laquelle l'auteur a pris quelques libertés en lui prêtant un intérêt pour l'occulte et notamment tout ce qui touche à l'Artbon. Il y fait évoluer d'éminentes personnalités comme Walter Raleigh. Il est l'interlocuteur privilégié de la chevalière et intrigue beaucoup à l'ombre du pouvoir. En outre, de nombreux espions gravitent au sein de cette organisation et servent d'indices à Axelle pour mener à bien sa première mission de monte en l'air. Par la suite, elle est chargée d'élucider des meurtres en démasquant l'assassin, ce qui l'amène un virevolter dans les couloirs du pouvoir, notamment du côté du conseil privé de la reine, présidé par le très machiavélique sir Thomas Walsingham. Ainsi, Jean-Laurent del Socorro joue avec une galerie de personnages historiques très riche qu'il manipule habilement pour servir son intrigue.

Mieux encore, il se sert du contexte hégémonique de l'Angleterre pour réintroduire la note merveilleuse qui donne tout le sel à ses romans. L'Artbon repointe donc le bout de son nez à travers la découverte de gisements dans la colonie de Roanoke et l'usage qui en est fait par les Natifs du Nouveau Monde. L'auteur en fait un enjeu de conquête en mêlant des ajouts fictionnels à des faits avérés. Jean-Laurent del Socorro se montre très ingénieux dans ses choix et nous livre une uchronie extrêmement bien réussie.

Avec Peines de Mots Perdus, Jean-Laurent del Socorro nous propose un récit de cape et d'épée au féminin que je trouve personnellement très réussi car fort bien mené. On y retrouve d'abord un protagoniste récurrent de ses précédents romans, Axelle de Thorenc. Comme on la suit à plusieurs années d'écart, on la voit évoluer. Elle occupe différents statuts en passant de capitaine d'une compagnie de mercenaires à chevalière de Saint-Germain en passant par aubergiste. Axelle est une fine lame au caractère bien trempé qui a su s'imposer aux hommes de son entourage. Pour autant, rien de fatal chez elle mais juste un équilibre entre force brute et bonté. Tout au long du récit, elle va être pétrie de doutes sur sa légitimité en tant que soldate, meneuse d'hommes, épouse et mère de famille. Cela la rend finalement très humaine et instaure une vraie proximité avec les lecteurs. Entre ces lignes, elle va se lier d'amitié avec des femmes exceptionnelles qui ont marqué leur époque. Il y a déjà Jane Anger, auteure de la fin du XVIe siècle, surtout connue pour son pamphlet : Protection pour les femmes. Sous la plume de Jean-Laurent del Socorro, elle prend les traits d'une féministe acharnée pleine d'impétuosité et de fougue. elle tient la dragée haute aux hommes même de haute naissance et réussit à s'imposer là où les femmes ne sont pas tolérées afin d'accéder au même savoir que les membres du sexe opposé. Elle va être une alliée de choix pour Axelle même si elle a tendance à l'agacer. Ensuite, il y a Mary Triph, dit Mary la tire-laine, une pickpocket célèbre du crime organisé. On est de suite charmé par l'impertinence de cette femme qui s'affiche toujours en habits masculins, une pipe au bec. Elle s'impose sans mal comme la compagnonne idéale des coups d'éclat d'Axelle dans ce Londres inconnue de la Française. D'autres viennent lui prêter mains fortes mais autant vous laisser le loisir de les découvrir par vous-mêmes.

Décidément, Jean-Laurent del Socorro est très bon dans sa casquette d'écrivain. Il nous continue de nous émerveiller avec cet univers dont il pousse l'exploration un peu plus loin à chaque livre.

Peines de Mots Perdus, c'est le juste dosage entre action et émotions pour un moment d'intense lecture. Lisez-le !

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