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Critique de Antyryia



Durant toute la première partie du roman, je me suis vraiment cru au firmament du thriller psychologique et domestique.
Réflexions pertinentes, émotions saisissantes, suspense implacable, Tu m'appartiens avait tout pour sortir des sentiers battus malgré son sujet en apparence des plus communs : Un échange de bébés effectué à la naissance.
J'adore le titre anglais, Playing Nice, beaucoup moins catégorique et tout en subtilité, mais à la traduction plus hasardeuse ( Jouer la carte de la gentillesse ).

En quoi ce roman aborde-t-il autrement ce sujet d'apparence banale ? Cet échange effectué entre deux prématurés dans une clinique prénatale sera ici révélé aux parents respectifs deux ans après.
Quelle sera alors la meilleure attitude à adopter pour les deux familles ? Quels sentiments ambivalents éprouveront-elles ? Et surtout, pourront-elles prendre ensemble les meilleures décisions possibles ?
Aucune des deux familles ne peut renoncer au fils qu'elles ont élevé jusqu'alors. Mais aucune ne peut désormais ignorer l'existence de leur enfant biologique.
Bien sûr, pour que tout fonctionne au mieux, il va falloir non seulement que les deux couples s'entendent à merveille, mais aussi que les parents au sein de chaque union éprouvent les mêmes désirs.
Et faute de solution satisfaisante et amiable entre ces parents projetés du jour au lendemain dans cette folle réalité, ce sera au juge des affaires familiales de trancher et décider de l'avenir le plus opportun pour ces deux enfants.

Tu m'appartiens, c'est donc l'histoire de ces deux couples qui vont devenir amis parce que c'est la seule option envisageable pour qu'ils puissent s'accorder une petite place auprès de leur garçon de chair et de sang, sans s'immiscer trop en avant dans la vie qu'ils ont commencé à construire, ni dans leur éducation. le compromis, parfois délicat, est le maître-mot de ce partenariat où chacun saura être raisonnable et rester à la place qu'il s'est vu attribuée dans cette inédite famille recomposée.
Du moins, pendant un temps.
Parce que presque inévitablement, viendra un premier point de discorde, puis un autre. Les deux familles n'ont pas la même aisance financière, la même vision de l'éducation, de la politique, ou même du temps qu'ils doivent passer tous ensemble. L'un des pères commence à débarquer un peu trop souvent à l'improviste.
Les désaccords font progressivement monter la tension, et le lecteur devine que le point de non-retour sera bientôt atteint.

JP Delaney dresse un portrait soigné et crédible de quatre adultes très différents, et évoque avec beaucoup d'intelligence la question de l'inné ou de l'acquis.
"Nos enfants tiendront-ils de leurs parts biologiques ou seront-ils façonnés par leur environnement ?"
De nombreuses réflexions sont proposées, apportant souvent un début de réponse et donnant une part supplémentaire de crédibilité et d'humanité aux personnages de Tu m'appartiens.
Un père au foyer a-t-il autant d'atouts et de prédispositions qu'une maman ?
Le lien maternel fusionnel avec le bébé peut-il s'appliquer quand l'enfant n'a pas grandi dans leur ventre ? A l'inverse peut-on davantage parler de lien biologique ?
Est-il légitime, dans cette situation, de se réjouir même un peu de ne pas avoir eu à élever l'enfant le plus diminué ?

Très crédible jusqu'alors, le roman perdra plus tard en finesse quand il s'enfoncera dans le thriller juridique.
D'autant que seule la version d'un couple nous est restituée, ce qui nous donne donc un angle unilatéral de la situation qui aurait parfois gagnée à être un peu plus ambiguë.
Ce n'est pas un tournant inattendu, depuis le début nous avions conscience que la justice allait devoir prendre le relai pour départager les familles qui ne seront jamais parvenues à établir de véritable consensus.
Ce que livre va gagner en machiavélisme se fera au détriment cette fois de son esprit d'analyse. L'auteur veut beaucoup trop en faire et il n'y en avait nul besoin. Tu m'appartiens reste prenant, mais c'est désormais le divertissement qui nous tient encore en haleine plus que le drame humain.

Avec son précédent roman, La femme parfaite, JP Delaney avait écrit un thriller psychologique mâtiné de science-fiction, qui sortait complètement des sentiers battus. Hélas, la robotique et l'intelligence artificielle ne laissaient pas suffisamment le champ libre aux émotions pour se déployer.
En partant cette fois sur un thème pourtant vu et revu, usé jusqu'à la corde par littérature et le cinéma, l'auteur britannique fait plus que tirer son épingle du jeu en s'attardant sur ce que des parents sont prêts à faire lorsqu'ils découvrent que l'enfant qu'ils élèvent n'est pas leur fils biologique. Quels compromis accepter ou pas pour faire entrer dans leur vie ces liens du sang sans renoncer à ceux construits avec le coeur ? de quel côté se situe la loi si les adultes ne parviennent pas à trouver une solution harmonieuse ?
Dans un second temps, tous les coups seront permis pour récupérer ce garçon qu'ils ignoraient avoir, et je regrette seulement que l'auteur ait intégré à son récit une caricature manichéenne qui n'était pas nécessaire, bien au contraire, pour dévoiler toute la bassesse et la noirceur de certains êtres humains.
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