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Critique de fanfanouche24


Acquis le 1er septembre 2023 - Librairie Chantelivre / Issy -Les-Moulineaux.

Une lecture très appréciée....qui remue les tripes par la justesse du propos et la volonté tenace de l'écrivain d'être au plus près des hommes, femmes et enfants rencontrés, dans la folie de la guerre !

Le plus grand des hasards... en écoutant une chaine d'informations... j'ai entendu une voix singulière, toute en retenue, contenant une émotion indicible...Il s'agissait du grand reporter Nicolas Delesalle, racontant brièvement une histoire dans son immersion ukrainienne, qui le mettait dans un noeud d'émotions et de déchirements très communicatif, situant en plus, au coeur de l'anecdote , sa maman, d'origine russe ...

Journaliste, grand reporter, fils d'une mère russe et d'un père chilien, Nicolas D. a jusqu'à l'attaque de l'Ukraine par la Russie, été extrêmement fier de ses origines russes, en ayant, de surplus, une Maman russe peu banale, enseignante brillante, ayant passé sa vie à faire connaître et aimer sa Russie..., tenter de réduire les incompréhensions entre la Russie et l'Europe, par ses doubles fonctions d'enseignante, et d'organisatrice de voyages culturels en URSS, afin de tenter de réduire les malentendus...et la mauvaise appréhension de son pays ...

"Depuis sa naissance à Paris, de parents russes blancs émigrés de la Révolution de 1917, ma mère essaie de convaincre les Français que les Russes sont des gens comme les autres.Et pour satisfaire ce dessein étrange, elle s'est mise à organiser régulièrement des voyages en URSS en pleine guerre froide. (...)

Ma mère pense différemment. Russe de France, elle croit que les Russes de Russie sont presque normaux, en tout cas juste assez normaux pour ne pas avoir envie de détruire le monde
" même s'ils ont beaucoup souffert après soixante-dix ans de communisme. "

Ainsi l'auteur, va pour la première fois, en Russie, dans la terre maternelle, en 1988; il a 14 ans, et combien il est fier !...

Tout a basculé avec l'attaque de l'Ukraine par Poutine, en février 2022. Il se retrouve sur le terrain, comme grand reporter... et toutes ses certitudes, sa fierté d'avoir des racines russes s'écroulent, tristement, cruellement, en même temps que le rêve de toute la vie de sa mère
( souhaitant tant faire comprendre la richesse et la grandeur historique, culturelle de la Russie )...
Tout explose tragiquement !

"Ma grand-mère a rejoint Samuel en 1988, après 38 ans d'attente, trente-huit ans de vie pour rien. Elle a demandé à être enterrée avec toutes ses lettres d'amour.

Anna et Samuel reposent côte à côte au Père- Lachaise. Je passe souvent les saluer, m'imprégner de leur force, de leur histoire. Je leur raconte ma vie, mes emmerdes, la marche du monde. Depuis la guerre en Ukraine, je ne suis pas allé les voir.Je ne sais pas comment leur annoncer la nouvelle. Je n'ai pas de mots pour leur dire que, pour la première fois de ma vie, j'ai honte.J'ai honte de leur sang.J'ai honte d'être russe."

Bien loin de moi, le voyeurisme de ce conflit tragique, inhumain; ce qui m'a fait acquérir aussitôt ce livre de Nicolas Delesalle, ce sont ses déchirements, sa colère, son impuissance, son engagement ambiguë de grand reporter, ainsi que la sincérité de tous ses questionnements, sa nécessité de témoigner, de DIRE, d'engager au maximum son rôle de porte-parole, de reporter , mais aussi le chagrin sans limite pour ses racines, et l'amour fou de sa mère pour son pays, battu à mal...!!...

Ce récit interpelle...l'auteur souffre et veut rendre compte de tous ces anonymes massacrés, broyés , entraînés dans la folie guerrière d'un Poutine qui met à mal jusqu'à son propre peuple...Parmi ces hommes et femmes, un jeune homme, Vania, entraîné de force dans le groupe Wagner...gardé et protégé un moment par un vieil Ukrainien qui l'a pris sous son aile !

Nicolas D. s' interroge dans un même temps sur le Pourquoi de ce métier de " grand reporter" qu'il a choisi et dans lequel il persiste...

"Le train de la dernière chance s'enfonce dans la nuit.Un.sentiment ambivalent, que j'éprouve toujours en zone de guerre, monte du fond de mon ventre: je suis à ma place.L'angoisse, la peur sont balayées par ma certitude d'être là où je dois être, au coeur de la tragédie que vivent les Ukrainiens. Je suis là pour témoigner et recueillir leurs histoires afin qu'ailleurs, loin d'ici, le monde sache contre quels vents contraires ils s'épuisent, quelle injustice les foudroie, et surtout quelle force les anime quand leur univers s'écroule.Dans la même seconde, je devine que mes mots ne changeront pas le cours de l'histoire et n'arrêteront pas la guerre .Des cailloux jetés dans l'écume d'un torrent. Mais chaque fois je pense au Sisyphe de Camus; je regarde rouler mes cailloux et je choisis de mépriser mon impuissance. "

Dans ces courts chapitres remplis de " crimes contre les hommes" ...demeure l'image lumineuse et bienveillante de la Mère de l'écrivain, incroyable femme solaire, vaillante, généreuse et fantasque. ; Un amour et un hommage filial intense:" Ma mère est capable de tout, depuis toujours"...

Présence maternelle intense qui maintient l'Espoir au fil de ces récits tragiques...De nombreuses anecdotes sur cette mère aimante et engagée...certaines, nous tirant de francs sourires et rires !
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