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Critique de Eskalion


Il est toujours périlleux de se lancer dans l'oeuvre d'un auteur que l'on ne connait pas encore. Promesse d'une rencontre qui en appellera d'autres, ou rendez vous sans lendemain, c'est un pas dans l'inconnu que l'on fait quand notre regard glisse sur les premiers mots de son roman.

Quand en plus celui-ci aborde des thèmes comme celui, éculé, du tueur en série, qu'il approche de près ou de loin celui des sectes, une certaine réticence, voire une appréhension gagne le lecteur qui redoute de relire ce qu'il a déjà lu cent fois.

Pourtant, en faisant le choix délibéré de ne décrire aucune scène de meurtre (alors que le tueur est d'une extrême violence, mais seules les conséquences de ses actes sont rapportées.) Sonia DELZONGLE évite de tomber dans le piège de la facilité et du voyeurisme gratuit, dont le roman aurait immanquablement pâti.

Ce parti pris n'enlève rien à la force de celui-ci, bien au contraire. Ce qui est suggéré est souvent beaucoup plus percutant pour l'imaginaire du lecteur que la description crue d'une mise à mort.

Et de fait, il donne du coup une toute autre dimension au roman, en axant celui-ci autour des personnages, leurs interactions, les liens établis ou souterrains qui les unissent ou les opposent.

Et les portraits que brosse Sonia DELZONGLE sont taillés au burin dans un bois dur et sombre. Des personnages rudes, comme le sont les habitants de ce village du Vivarais-Lignon, qui côtoient chaque jour la rigueur d'une région inhospitalière où les hommes s'accrochent et se soumettent à elle sans maudire leur terre.

Car dans ce roman, l'environnement est un personnage à part entière, un acteur majeur qui fige dans la pierre l'histoire des hommes, nourrit leur force, et où la Burle, un vent sec et froid qui souffle violemment une partie de l'année, façonne l'esprit de ses habitants. Paysage idyllique en été, qui l'hiver devient plus inquiétant et renforce ce sentiment qui gagnera progressivement le lecteur, que cette chape de neige ne recouvre pas seulement le panorama environnant, mais aussi des secrets lourds et immondes qui se terrent dans le coeur des habitants de ce village isolé. Des secrets qu'il n'aurait peut- être mieux valu ne pas faire remonter à la surface.

C'est donc, ici dans ce décors sauvage et ce village perdu dans le Vivarais-Lignon que va se dérouler le drame.

Quand elle revient dans celui-ci pour enquêter sur un incendie qui a ravagé une bonne partie du hameau, Audrey Grimaud, devenue journaliste, retrouve les souvenirs de son enfance, lorsqu'elle venait ici passer ses vacances auprès de ses grands parents. le temps a bien passé, mais la communauté de Purs qui vit dans le hameau est toujours là. Une communauté avec ses règles strictes, qui vit en autarcie, et qui n'avait à l'époque toléré la présence d'Audrey que parce que son père avocat, défendait les intérêts de la communauté.

Une enquête qui va se télescoper avec des questionnements remontant à ses visites au village quand elle avait une douzaine d'année, et restés jusqu'ici sans réponses. Car très vite, Audrey est intimement convaincue que les meurtres de « l'empailleur » et les causes de cet incendie plongent leurs racines dans un passé qui refuse d'être enterré. Un passé, qui est aussi le sien.

L'originalité de Sonia DELZONGLE est de rendre le tueur en série omniprésent tout en le laissant constamment à la périphérie de l'histoire, comme un rôdeur dont on sent la présence sans jamais l'apercevoir. Une ombre qui reste tapi dans les esprits.

Journaliste de profession, elle met toute sa connaissance du métier au service de son personnage principal, et avec une plume alerte et concise, nous offre une description somptueuse de cette région sauvage qu'elle semble bien connaître. Tout aussi efficace, le tableau qu'elle dresse de cette vieillesse à l'oeuvre sur ces habitants figés dans leurs souvenirs, et qui semblent aussi anciens que les bâtisses qu'ils occupent.

Bâti en deux parties, la première qui court sur 300 pages, celle de l'investigation, du questionnement, de cette quête de vérité est à mes yeux la plus passionnante. Elle nous ramène dans l'enfance d' Audrey, nous fait prendre la mesure de ce lieu si particulier et nous fait découvrir la complexité des personnages. le lecteur comprends bien qu'il ne s'agit pas d'un monde manichéen, où les bons s'affrontent aux mauvais, mais où chacun porte une part de vérité, comme un puzzle qu'il suffit d'assembler pour découvrir l'innommable.

La seconde, celle du basculement de l'histoire (que je n'évoquerai pas ici de peur d'effeuiller le final du roman) m'a un peu moins convaincu car j'ai trouvé le passage de l'une à l'autre un peu brutal. Si le dénouement est particulièrement surprenant, dans cette dernière partie, les rebondissements interviennent à un rythme peut être un peu trop rapide.

Malgré tout, cela n'enlève rien au plaisir que j'ai eu de lire ce roman où se mêlent rancoeur, vengeance et sang mauvais, où l'immonde côtoie la beauté. Un roman qui n'est pas sans m'évoquer une des oeuvres de Denis Lehanne

« L'horreur est humaine » disait Coluche, ce roman est là pour nous le rappeler .

Quant à moi, pour reprendre mon propos du début,cette rencontre avec l'auteur ne sera pas sans lendemain.
Lien : http://passion-polar.over-bl..
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