Citations sur Je te nomme Louisiane, tome 1 : Au pays des bayous (10)
Il arrive que les plus forts des hommes, les plus pugnaces des bâtisseurs, les plus avides de gloire et de biens, découvrent un jour que leur corps, soudain, renâcle à obéir. Les guerriers commandent longtemps à la carcasse, corvéable à merci, qui tremble au danger, jusqu'au soir où l'organisme affiche sa démission. Le héros au corps malade se trouve alors rendu à l'humanité ordinaire. Ayant accepté, dès sa première aventure, de rencontrer la mort dans les batailles, ayant enduré, sans gémir, blessures et privations, il est mortifié par les affections communes. Les plaies d'orgueil sont pour lui plus éprouvantes que la douleur physique. La perspective de mourir dans son lit, entouré des siens comme un bourgeois, l'exaspère ; il y voit l'humiliation suprême et, honteux, appréhende de se présenter en chemise de nuit aux portes du Walhalla, où tant d'amis dorment dans leur armure !
Le fait de se trouver dans un pays neuf, dépourvu de structures sociales, politiques et religieuses rigoureuses, donnait à tous un sentiment de liberté accrue. Chacun usait à son gré, suivant ses ambitions, ses tendances, ses goûts, parfois ses vices, de cette émancipation physique et morale.
Le hasard est un mythe. Tout peut se résoudre au jeu par le calcul.
Refuser la main d'une fille, si généreusement offerte, est un affront qu'aucun père ne peut pardonner.
Le profit est la récompense des inventifs, des audacieux et des ardents. La faillite la punition des timorés, des velléitaires et des pleutres. Telle est la loi des affaires. Il ne faut pas chercher la morale où elle ne se peut trouver.
Ce n'est pas la découverte qui crée la possession, mais l'occupation permanente des lieux.
On embarquait certes pour naviguer et voir du pays, mais aussi et surtout pour se colleter avec les hasards océaniques, pour se battre, pour acquérir de la gloire, pour se faire un nom et pour se divertir ! « Car, manquer la joie, c'est tout manquer. Dans la joie des acteurs réside le sens de toute action. »
Les crimes les plus abominables et les plus opposés à la nature et au bien de la société, ces crimes punis autrefois par le feu du ciel et dignes, selon les lois, d'être réprimés et châtiés par les flammes, étaient devenus communs. On parlait de ces sortes d'exécrables engagements entre les libertins de profession, comme si l'on eût parlé d'une galanterie entre homme et femme.
Seuls les simples et les éveillés apprécient pareille passion de la grandeur. Les premiers parce qu'ils sont capables d'admiration et de foi, les seconds parce qu'ils admettent l'existence d'hommes providentiels, c'est-à-dire d'êtres agréés par la Providence. Les individus de ce type sont adulés par les uns, haïs par les autres et généralement mieux suivis par les pauvres que par les nantis.
La gloire suffit aux vaniteux, la fortune satisfait les cupides, la possession comble les propriétaires, le pouvoir tient lieu de tout à qui n'est rien. Qui a le sens de la grandeur méprise ces profits trop humains.