Citations sur La Dix-Huitième Etoile: Histoire de la Louisiane américaine (13)
Aujourd’hui, mélancolique et inoffensif, le Vieux Sud reste figé, entre réel et imaginaire, dans la fable allégorique d’un passé équivoque et somptueux, que jamais il ne reniera.
On prête à l’anhinga la redoutable mission d’annoncer aux hommes le malheur.
L’inextricable réseau est le pays des eaux trompeuses, dont l’apparente stagnation cache d’inquiétantes mouvances, sous les jacinthes flottantes et les nénuphars. Ici, l’alligator ne dort que d’un œil, là se frôlent poisson-chat, poisson-buffle, vindicatif paddlefish doté d’un long dard, mais aussi le succulent pompano.
Seuls les contrebandiers d’alcool, dont la source de revenus allait disparaître, ne participaient pas à l’enthousiasme populaire. Ils allaient devoir se reconvertir dans des métiers honnêtes, moins lucratifs, ou organiser d’autres trafics : les narcotiques, l’opium, très prisé chez les intellectuels, la cocaïne, le peyotl, plante sacrée des Indiens du Mexique « qui émerveille les yeux » et dont les Américains venaient de découvrir qu’elle provoque l’ivresse et des hallucinations colorées.
La cité cosmopolite restait fière de son héritage européen, de ses écrivains, poètes et peintres, de ses musées, galeries d’art, bibliothèques publiques, universitaires et privées.
L’asservissement de l’homme par l’homme a fonctionné dans les plus anciennes civilisations, et il fallut attendre le siècle des Lumières pour que les consciences se révoltent et admettent que l’esclavage est une aberration contre nature, les hommes naissant de même manière et égaux, quelle que soit leur couleur de peau.
Le lys a de doux parfums, mais ils sont fades quand on a respiré ces arbustes importés de La Havane ou de Haïti.
La saga sudiste regorge de vraies passions amoureuses entre esclaves et maîtres –, faisaient élever leurs rejetons noirs avec leurs enfants légitimes, parfois au vu et au su de tous.
Le viol était rare, les jeunes esclaves se montrant le plus souvent consentantes, soit par crainte de déplaire au maître, d’être chassées de la maison et envoyées aux champs, soit parce qu’elles espéraient tirer profit de leur docilité.
Cette société aux mœurs policées, aux goûts raffinés, d’une érudition limitée, mais composée d’hommes et de femmes éduqués à l’européenne, n’était pas exempte de turpitudes. Les jolies servantes noires, achetées pour trente ou cinquante dollars, devenaient les proies désignées du planteur et de ses fils.