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Critique de Eskalion


Le lecteur se demande souvent où les auteurs vont il puiser leurs idées pour échafauder un scénario et écrire leur roman. Parfois , à lecture d'interviews ou de rencontres à l'occasion d'un salon littéraire celui-ci parvient il à satisfaire sa curiosité.

Les éditions Scrineo ont la particularité d'offrir à la fin de chacun des romans qu'elles publient un dossier documentaire sur les affaires qui ont pu inspirer l'auteur, où traiter un thème en lien direct avec celui abordé dans le roman publié.

Dans celui-ci, l'auteur nous présente dans un style journalistique deux affaires qui avaient défrayé la chronique au sortir de la guerre et qui l'ont directement inspiré pour écrire son livre. Intéressant dès lors de voir comment celui-ci peut s'approprier un fait divers pour le retranscrire dans son oeuvre, même si le lecteur serait fort mal inspiré de commencer par la lecture de ce dossier avant celle du livre, s'il ne veut pas se gâcher le plaisir de la découverte.

Journaliste de formation ayant travaillé pour les principales chaînes françaises, Vincent Désombre, devenu entre temps auteur-réalisateur de films, signe là son tout premier roman.

Quand elle apprend que Maurice Picon, un retraité, a été sauvagement assassiné chez lui pour se faire dérober ses économies, Nathalie n'y voit là qu'un fait divers de plus qui vient se rajouter à la longue liste de ceux qui quotidiennement défrayent la chronique à la une des journaux.

Pourtant, quand le visage de la victime s'affiche sur son écran télé, c'est le choc. Tétanisée, le souffle coupé, ses yeux ne peuvent quitter ce portrait qui s'affiche et qui la ramène des dizaines d'années en arrière.

Un passé douloureux, personnifié par ce visage, celui de cet inconnu qui trente ans plus tôt s'était présenté chez ses parents.

C'est une petite fille qui à l'époque avait ouvert la porte, avait suivi l'homme jusqu'à sa maman et l'avait vu lui murmurer quelque chose à l'oreille. C'est elle seule qui avait vu sa mère devenir hystérique et supplier à genou l'homme qui, indifférent, était reparti comme il était venu. Quelques minutes plus tard, une détonation avait retenti. Un suicide maternel et une vie en devenir marquée à jamais par le drame.

Ce passé réveillé, Nathalie décide de l'affronter en remontant le cours de ses souvenirs et de son histoire personnelle en enquêtant sur cet homme qui a fait voler sa famille en éclat et anéanti l'insouciance de sa jeunesse. Dans cette enquête tortueuse elle finira par y entrainer son ex-mari, journaliste survivant d'un cancer, et sa fille, jeune ado délurée qui s'invente détective pour l'occasion.

Cette enquête les mènera à une vieille tante encore vivante ( plus pour longtemps !), à une confrérie dont il ne reste que peu de survivants et qui semble avoir gardé un sombre et lourd secret. Pendant ce temps là le Lynx épie, et tue en silence. Car dans ce roman le chasseur n'est pas forcément celui qu'on croit.

« Maudite soit elle » est un thriller de facture classique, bien maîtrisé. Des chapitres courts pour imprimer le rythme, des dialogues nombreux mais brefs pour inscrire l'action dans le présent alors que l'histoire enchaine des flashbacks pour poser au fil des pages les éléments constitutifs du drame, et parfois, une approche cinématographique originale de l'histoire. La plume de l'auteur se fait par moment caméra et opère des travelings ou des plans zoomés sur des détails que ne voit pas l'héroïne, sur des scènes qu'elle ne vit pas.

Voilà donc un roman respectueux des codes du genre. A aucun moment celui ci ne compte de temps mort, le scénario plutôt équilibré ne souffre pas de faiblesse, et le lecteur n'arrivera pas à déduire lui-même le pêché originel qui conduit à ces morts.

Pour autant, je n'ai pas été totalement conquis par ce roman. Je trouve qu'il lui manque une âme, une saveur, ce petit quelque chose qui fait que l'on adhère et qu'on se laisse capturer par l'auteur, et amener où bon lui semble.

J'ai eu du mal à m'attacher au personnage de Nathalie, et encore plus à son mari et à sa fille, dont la présence n'apporte finalement pas grand chose au roman si ce n'est de disperser l'intérêt que l'on pourrait porter au personnage principal.

A ce manque d'empathie pour l'héroïne s'ajoute le déroulement de l'histoire, fait d'une succession de visites de lieux et de personnages, de passage en revue de points de vue, qui n'arrivent pas à entretenir un suspens angoissant que je n'ai d'ailleurs pas vraiment ressenti au fil des pages. Pourtant l'histoire du tueur et son parcours elle, est intéressante.

Enfin, le final aurait peut être gagné en efficacité s'il avait été dispensé de l'apparition soudaine d'un élément qui, sans doute visait à rajouter du spectaculaire et de l'angoisse mais qui n'aura fait qu'altérer la crédibilité d'un dénouement pourtant bien amené jusque là.

Ces réserves formulées, n'oublions pas qu'il s'agit d'un premier roman, et que celui-ci témoigne malgré tout d'une imagination créative évidente chez cet auteur.

La lecture de ce roman n'a d'ailleurs pas été sans me rappeler un autre écrivain, que j'avais lu et apprécié il y a quelques années, Laurent Botti, dont je trouve l'univers assez proche.

Vincent Desombre a des choses à dire et il sait raconter une histoire, c'est évident.Sortir un premier roman oblige sans doute à respecter les codes avant de pouvoir s'en affranchir, et user aussi de petites recettes qui ont assuré le succès d'autres avant lui.

Ce premier roman s'il souffre des quelques défauts évoqués, reste malgré tout agréable à lire. Nul doute qu'avec le temps son écriture se patinera d'expérience et qu'il sera un auteur à suivre dans les prochaines années.
Lien : http://passion-polar.over-bl..
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