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Critique de colimasson


Trois ans bientôt que le premier volume de Vernon Subutex a été publié. Virginie Despentes réapparaissait dans les médias et tout le monde parlait d'elle en termes élogieux. Méfiance, me disais-je, gargarisée au fil de mes déceptions téléramesques.


Trois ans plus tard, ou presque, je me décide enfin à lire le bouquin. Euphorie. Imaginez le plaisir de lire un grand roman classique qui ne daterait pas cette fois du siècle dernier, qui ne parlerait pas de la vie de nos darons voire plus loin encore mais qui parlerait de nous, de notre génération, de notre époque, des conséquences de notre dépolitisation, de l'hégémonie du Capital, des modifications des relations humaines imposées par les nouveaux modes de communication, de la drogue, de l'amour, de la famille ou de ce qu'il en reste, de la facilité avec laquelle on peut devenir clochard du jour au lendemain, juste parce qu'on n'a pas compris que les règles du jeu avaient changé. Houellebecq avait déjà fait ça, oui, mais Despentes c'est un peu différent. On sent bien la même fatigue, le même dégoût causés par la perte des repères imposées par une société qui évolue plus vite que les générations, des millions de gens moyens laissés sur le tapis et qui se détruisent pour essayer de comprendre et de s'adapter au monde dans lequel ils vivent, mais là où Houellebecq s'enfermait souvent avec un personnage évoluant en milieu clos ou restreint, Despentes construit une saga de personnages interconnectés, se reliant les uns aux autres par le bouche à oreille réel ou virtuel.


Vernon Subutex est un cinquantenaire qui a laissé peu à peu sa vie se désagréger. Il y a eu un peu de succès tant qu'il tenait sa boutique de disques, pas besoin de trop se casser le cul pour gagner sa vie et faire bonne impression, et puis les nouvelles technologies ont supplanté ses marchandises et il a dû fermer la boutique. Il s'est enfermé chez lui, a profité un peu, a perdu contact avec le reste du monde et puis un jour c'est banqueroute, RMIste longue durée, plus de revenus, plus d'amis proches, pas de famille, expulsion du logement. Vernon ment, fait croire à un passage provisoire à Paris après un long voyage au Canada, reprend contact avec ses anciens amis pour loger quelques nuits chez untel ou unetelle. Un panorama de personnages se dessine devant nous. Des vieux, des jeunes, des célibataires, des mariés, des trans, des lesbiennes, ceux qui réussissent, ceux qui ont tout perdu, ceux qui sont heureux, ceux qui voudraient en finir, ceux qui s'en foutent, ceux qui se shootent. Pas besoin de faire d'efforts pour se souvenir de cette galerie impressionnante de personnages. Ils sont tous plus marquants les uns que les autres. Leurs histoires entrent en résonnance avec ce que chacun d'entre nous peut vivre aujourd'hui. Virginie Despentes arrive à se mettre dans la peau de chacun d'entre eux, aussi différents soient-ils, racontant leurs histoires avec une intelligence émotionnelle toute en nuances. Pas un mot plus haut qu'un autre, pas de théories sur la Lune, on ne tortille pas du cul pour appeler un chat un chat. C'est bien simple : d'habitude, je referme un roman et je n'y pense plus trop. Impossible pour ce Vernon : les personnages continuent à me faire gamberger alors que j'ai refermé ce livre depuis deux jours et je continue encore à découvrir de nouveaux liens entre eux et à comprendre de nouvelles facettes de leur histoire. Passionnant.
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