"Se laisser aller à la panique, c'est donner à voir le noyau de dénuement de la condition humaine à l'oeil nu."
Sibylle a peur de l’ennui comme d’un venin glacé. On ne peut le comparer à rien : une douleur bizarre, des fourmis qui vous traversent les bras et les jambes, et portent, jusque dans le crâne, brindille après brindille, le mal et ce vide sourd dont on mettra des jours à se débarrasser. La peur qui l’envahit appelle la fuite. Mais il n’est pas bon de s’attendrir sur soi, lui a déjà seriné Mère Dominica .Alors elle regarde le goudron de la cour et le soleil qui frappe dans ce carbone.
Le vrai problème, c’est que cette peur fade et sans distance qui accompagne Sibylle jusque dans ses efforts pour s’en délivrer est le goût même de sa propre vie. Cette fébrilité est la source même de son sentiment intime d’existence. Certains êtres ne peuvent éprouver leur propre existence que lorsque la peur leur broie l’estomac
La caresse de Paul sur la joue de Sybille n'est pas simple effleurement : elle est façonnement. En caressant Sibylle, Paul fait naître son corps sous ses doigts.
Elle tombera comme un saltimbanque loupe son fil de fer, tandis que le public porte la main à son cœur et que le jongleur, imperturbablement, fait tournoyer ses massues exactes.
La chute aura forme humaine, bras et jambes battant l'air comme un crawl.
Dehors c'est la récréation : désordre et bruit discordant.
Dedans : c'est un merveilleux calme.
La merveille serait qu'on en reste là.
Crucifiée par la moindre sensation. Enchristée dans sa peau de femme.
L'enfant appuie sa tête contre le mur. Le grain rugueux du crépi s'enfonce dans son cuir chevelu et elle souffre. Pourtant elle ne bouge pas. Au contraire, elle écrase encore plus sa tête contre le mur. Il lui semble que cette douleur va la réveiller.