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Critique de domi_troizarsouilles


Je l'avoue sans fausse honte : j'ai repéré ce livre un soir où je cherchais un titre qui compte plusieurs lettres à 10 points dans un Scrabble – pas forcément dans l'idée de les lire aussitôt, mais plutôt pour agrandir ma WL, et puis qui vivra verra. Plusieurs mots me venaient en tête (yeux ou mystérieux par exemple, les deux avec un Y et un X), et puis tout à coup bingo ! je pense « grizzly » (deux Z et un Y)… et me voici, après quelques recherches sur l'un ou l'autre sites, avec en plus le K du Park ! Les notes que je vois ici ou là ne sont pas hyper-emballantes, mais pas tout à fait négatives non plus, et la couverture ne me déplaisait pas, donc j'ai craqué…

Tout le livre correspond assez bien au synopsis : ce n'est rien d'autre qu'un carnet de voyage, de l'auteur lui-même accompagné de sa compagne, à travers plusieurs parc nationaux américains, du Colorado au Montana en passant par le Wyoming, où ils visitent brièvement l'une ou l'autre ville plus ou moins typique, dorment généralement en camping, et font un certain nombre de randos à la journée, tout en dégustant systématiquement une bière dans les nombreuses brasseries locales. Ce livre est l'occasion, aussi, de rappeler les vacances de l'enfance de l'auteur, en camping dans divers pays européens, avec ses parents tous deux instituteurs ; il en profite pour regretter (avec un certain réalisme désenchanté) comme il comprend désormais que son père aurait sans doute aimé plus de complicité entre eux, mais qu'il n'était pas capable de lui offrir à cette époque-là. C'est aussi une playlist, au fil de ce que l'auteur et sa campagne entendent sur l'autoradio – et autant de souvenirs d'enfance, à nouveau, de l'auteur, qui se dit fan de rock depuis le jour où il l'a découvert.

Mais bien sûr, le sujet central de ce livre, ce sont les parcs, ces espaces où la nature sauvage est soi-disant préservée mais hyper-aménagée, tout en gigantisme, pour que les touristes américains ou internationaux puissent la découvrir en toute sécurité. Il dénonce ce tourisme de masse qui prétend respecter la nature mais où certains animaux sont tellement habitués à l'homme qu'ils s'en approchent au moindre prétexte, et inversement : ces hommes et femmes ont perdu toute notion de danger, ou de simple respect face à cette nature sauvage, et s'approchent inconsciemment au plus près des animaux, le temps d'une photo, parfois même au risque de leur vie ! Il a ainsi une vue très cliché sur l'Américain moyen, cette vision assez réductrice que l'on peut avoir depuis l'Europe, et que les propos du journaliste qu'il est semblent corroborer… sauf qu'il semble oublier qu'il observe là des comportements de masse de touristes en vacances. Or, n'observe-t-on pas les mêmes comportements de nos touristes bien européens, sur certains sites particulièrement attractifs chez nous ? ce sont les mêmes qui arrivent en masse au plus près du Mont-Blanc (je parle du téléphérique de l'Aiguille du Midi) en short, t-shirt, et tongs, parce qu'il faisait soleil dans la vallée… sont-ils pour autant aussi abrutis que semblent l'être ces Américains tournés en dérision par l'auteur ? du coup, même si j'ai tendance à être d'accord avec lui, même si j'ai vécu plus qu'à mon tour, dans mes jeunes années, le plaisir de sortir des sentiers battus (que ce soit dans les Alpes suisses ou françaises, ou dans les Pyrénées, même si ces dernières étaient à l'époque nettement moins aménagées pour les touristes, et dès lors plus agréables à mes yeux) pour trouver une « vraie » nature, une « vraie » paix, une vraie connexion avec les éléments et avec soi-même ; bref, malgré tout cela, cette vision très stéréotypée du touriste américain, que l'on sent très souvent étendue à l'Américain moyen en général, c'est quelque peu dérangeant…
Bon, ok : ces Américains entretiennent en plus un culte de la voiture (et de préférence de gros SUV ou des chars à boeufs urbains), qui reste nettement plus circonscrit chez nous, et qui dès lors paraît aussi incompréhensible que choquant…

Alors, bien sûr, l'objet du titre : tous ces parcs ont la caractéristique d'être des lieux de vie de toujours de différentes espèces d'ours – les ours noirs et l'incontournable grizzly, devenu même un symbole… mais contre qui les rangers, ces fameux gardiens des parcs, ne cessent de mettre en garde, rappelant autant la nécessité de préserver ces espèces que la plus élémentaire sécurité des randonneurs et autres campeurs, ces ours étant restés sauvages et naturellement plus dangereux qu'un tamia par exemple ! Or, l'ours est bel et bien chez lui, pas assez craintif face à cet homme qui empiète de plus en plus sur son espace vital et qui n'hésite pas à le tuer (même s'il est protégé) quand la vie d'un autre humain semble en danger. Et l'auteur de se moquer de cette paranoïa qui, à l'américaine, est devenue une bearanoïa – avec ses affichettes « be bear aware » (soyez conscients de l'ours) dans tous les coins, jusque sur les portes des sanitaires des campings ! Il décrit comme cette beranoïa finit par les étreindre, lui et sa compagne, à la moindre rando… tout en espérant secrètement en croiser un quand même, histoire de pouvoir le raconter et pourquoi pas le montrer en photos, lors de leur retour chez eux !

Ainsi donc, ce livre n'est pas inintéressant, d'autant plus que, comme écrit plus haut, je partage le point de vue de l'auteur sur toute une série de sujets, même ramenés à ma petite échelle européenne – j'ai certes aussi voyagé sur le continent américain, mais jamais aux États-Unis (sauf en transit, et de ce point de vue-là, les contrôles absurdes et excessifs, de même que les visages blasés et inexpressifs des forces de l'ordre dans ces aéroports, c'est tout à fait ça !), et même si j'ai fait un peu de tourisme dans les pays visités, c'était davantage pour retrouver des amis que pour aller m'agglutiner au milieu d'autres touristes, même si j'ai quand même vu quelques sites incontournables ici ou là ;) ...
Bref, oui, on partage assez facilement ce point de vue parfois réducteur, mais rendu agréable à lire grâce à un humour constant, proche de l'(auto)dérision, parfois caustique. Cependant, comme tout récit de voyage, c'est aussi très personnel, c'est une tranche de vie parsemée de souvenirs. Au début, c'est presque touchant, mais et au fil des pages ça devient un peu lassant, car c'est quand même répétitif - même si les régions visitées ne se ressemblent pas forcément, on perd peu à peu de l'enchantement de découvrir tout cela. Pour cet aspect, j'aurais apprécié un encart (au milieu ou en fin de livre) présentant quelques photos, et de préférence en couleurs – pas forcément de l'auteur même, il dit assez souvent qu'il a spontanément évité, la plupart du temps, de prendre des photos à temps et à contretemps – mais il existe tant et tant de cartes postales, qui auraient pu embellir le livre sans avoir besoin d'aller « vérifier » sur Internet, sans jamais être certain que ce qu'on voit correspond réellement à ce que l'auteur a vu, or lui il aurait pu faire une sélection !

C'est donc un bon livre-carnet de voyage, pas exceptionnel mais sympathique, parfois cliché mais plein d'un humour teinté d'autodérision qui rend les choses faciles et agréables à lire… et finalement on l'aura bien peu croisé, cet ours qui continue de faire bien un peu rêver !
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