Depuis [mes précédents voyages], j'ai entrepris d'aller voir à quoi ressemble l'Amérique des grands espaces et des contrées sauvages, l'Amérique mythique que l'on pense avoir déjà vu mille fois avant même d'y être allé. Celle des déserts de grès navajos, des séquoias, des villes fantômes, des Grandes Plaines et des Montagnes Rocheuses. J'assume très bien tous les clichés que j'ai en tête et je n'ai jamais sérieusement pensé tous les retrouver à leur place, comme dans un récit de Mark Twain ou un western d'Anthony Mann. J'ai bien arpenté l'East End de New York en croquant des cornichons au piment achetés chez Pickle Guy ou visité les toits du Financial District de San Fransisco avec une véritable excitation. Mais sillonner l'Arizona, l'Utah, le Colorado, le Montana ou la Californie du nord me convainc d'être aux Etats-Unis pour les bonnes raisons - les miennes en tout cas.
Depuis que vous êtes arrivés dans la région, qui, parmi vous, a vu un ours ?
Les trois quarts de la salle lèvent la main. Pas nous. Ils n’ont l’air ni excités, ni fébriles, ni particulièrement fiers, tous ces gens qui ont vu un ours, réunis pour ce ranger-led program dans une salle attenante au visitor center du parc national de Yellowstone. Avoir vu un ours ne semble pas relever de l’exploit. L’exploit, c’est apparemment de ne pas avoir réussi à en voir un. (p. 7)