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Critique de Lucilou


Depuis "Je serai le feu", bouquet d'or et de poésie enchevêtrant et faisant enfin éclore les voix des poétesses oubliées et "Ressac" récit éblouissant de sa retraite bretonne, lu et relu et qui m'a nourrie à sa manière d'encre, j'attendais impatiemment la nouvelle publication de Diglee.
"Atteindre l'Aube" est enfin arrivé et c'est peu dire qu'on y retrouve l'intelligence et la lumière de ses deux prédécesseurs.
De "Ressac", il a la langue poétique et chatoyante. Il en a aussi la clairvoyance, les obsessions, les questionnements. La mélancolie et la beauté un peu triste.
Derrière ce titre magnifique se cache une longue lettre qu'adresse l'auteure à sa grand-tante Georgie -la soeur de sa grand-mère maternelle-, femme fantasque et mystérieuse, romanesque et secrète aussi, parce qu'elle l'a aimée à la folie, parce qu'elle lui manque et parce qu'interroger le destin de cette aïeule flamboyante c'est aussi interroger le poids de la filiation sur les femmes de sa lignée, c'est percer à jour des secrets, des motifs récurrents pour panser des blessures, guérir des plaies... C'est convoquer la passion, l'amour fou dans ce qu'ils peuvent avoir de destructeur parfois et les confronter à la féminité, mieux encore à la place des femmes.
Comme dans "Ressac", le roman familial, le roman de l'intime chemine jusqu'à l'universel en même temps que le passé laisse sa place au présent, nous faisant comprendre au passage combien il le conditionne.
C'est l'histoire de Diglee bien entendu mais c'est une histoire qui peut résonner, qui peut interpeller et qui pousse à l'enquête et à l'introspection. Et moi, moi j'ai envie de remonter un peu le fil et de comprendre et de me rapprocher de mes grands-mères qui furent des filles et des femmes mais que je n'ai jamais connu qu'en vieilles dames aimantes aux cheveux blanchis...
Un chant tourmenté des racines jusqu'aux étoiles mais un chant d'amour tout de même, envers et contre tout, pour Georgie, pour Hermance, Louise et Eugénie, hommage rendu aux femmes de la lignée dont l'auteure est issue et dont elle porte les failles, les blessures, les passions... Et si les histoires d'amour qui les portèrent furent souvent aveugles, pas de cécité ici: Diglee déjoue courageusement les légendes familiales, les faux-semblants; elle interroge les silences, les lettres et les photos. Elle démasque, elle met au jour, elle éclaire et c'est parfois douloureux. Mais après tout, comment pourrait-il en être autrement? Existe il mission plus grave, plus lourde que celle de déboulonner les statues familiales et les images d'Épinal qui bâtissent dorure après pampille les légendes sur lesquelles se fondent une généalogie? de révéler ce qui se cache sous la mélancolie d'une grand-mère, la sensibilité d'un oncle, les colères d'une arrière-grand-mère ou les silences d'une grand-père?
La magie se fait pourtant, malgré la douleur et c'est ainsi que Diglee en remontant le fil des générations parvient aussi à mettre des mots sur son présent, qu'elle convoque pour nous ses doutes et ses fantômes, le désordre de son appartement et ses archives pour en faire jaillir quelque chose qui ressemble fort à de la sérénité si ce n'est de la lumière et une réflexion passionnante sur ce que la passion peut avoir de destructeur, sur les silences et la place des femmes. Poignant et magnifique.


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