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Critique de Mevlan


D'un essai de réussite commerciale. Voici comment je présenterais ce livre...
Trouvé par hasard en fouinant dans une librairie, aguiché par le nom de Diogène le Cynique, ce livre arbore en outre un bandeau d'accroche estampillé Onfray.
Je me tâte pour acquérir ce livre. Ce titre : Fragments inédits de Diogène le Cynique ! ça donne envie ! Je me mets donc à lire en rayon la 4ème de couverture : des fragments du philosophe auraient sommeillé "sous le doux soleil d'Orient" (entendre qu'on les a retrouvés dans des écrits médiévaux arabes). Il m'en faut plus ; je décide de lire la préface signée Onfray. Ce dernier nous présente l'auteur comme une jeune passionnée, loin des milieux universitaires qu'il aime tant conspuer, "à cheval sur plusieurs civilisations, et plusieurs langues". Oserais-je y croire ? Une passionnée de philosophie qui lirait l'arabe dans le texte ?
J'achète.

L'ouvrage se compose ainsi : la préface d'Onfray, 4 petits chapitres de l'auteur, et les fragments classés par thématiques.

La préface fait dans la surenchère : éloge de l'auteur, "sortie de nulle part" qui a mis "une claque" aux "fonctionnaires de la recherche qui passent leur vie le regard perdu dans la poubelle" ! On apprend plus tard que A. Baldacchino et Onfray se sont déjà rencontrés, et on devine que la première est une grande fan du second. A tel point que ses chapitres respirent tous le "style" Onfray.

Les quatre petits chapitres en soi n'apportent rien de bien consistant. L'auteur raconte comment elle est tombée sur ces fragments. On apprend au passage que ce n'est pas elle qui les a découvert (ce que reconnaît volontiers l'auteur) mais Dimitri Gutas qui les avait recensés et traduit en anglais. Adeline Baldacchino n'a donc fait que traduire ces fragments de l'anglais en français. Voilà donc ce que l'on nous présentait comme "à cheval sur deux civilisations" !?! Voilà donc que ce sont ces "fonctionnaires de la recherche" (D. Gutas) qui avaient fait tout le boulot !
J'aurais presque envie de déchirer les pages de la préface écrite par Onfray !
En outre, l'auteur reprend à son compte les idées et même ce style d'écriture "à la Onfray". Cette manie irritante de poétiser à tout bout de phrase ! Ces quatre chapitres n'ont donc pas beaucoup d'intérêt, hormis celui sur la méthodologie de D. Gutas, qu'elle paraphrase sans compter.

Les Fragments maintenant ! Ils sont présentés par thème, accompagnés de quelques commentaires de l'auteur.
Rien de bien nouveau nous prévient l'auteur. le Cynique a toujours cette répartie tonitruante contre les puissants, les arrogants, les discoureurs.. Et c'est un régal.
Mais il y a aussi quelques anomalies. Et c'est sur ce point qu'on doit s'arrêter et voire une lecture symptomatique de l'"Onfrayisme".
En effet quelques fragments présentent Diogène sous un jour nettement misogyne. D'office, A. Baldacchino, qui ne peut concevoir qu'un auteur classé par Onfray dans la catégorie des "hédonistes, libertaires, athées, immanents, etc." fasse un écart dans le mauvais sens. Travers typique de Onfray, un philosophe est nécessairement 100% progressiste ou ne l'est pas... L'auteur conclue : ce sont les traducteurs arabes qui ont probablement déformé les propos "à des fins théologiques ou idéologiques".
Et pourquoi donc Diogène ne serait pas cynique comme tous ces contemporains ? Théodore l'Athée a bien tenté de renvoyer sur son métier à tisser Hipparchia, femme cynique qui s'invitait dans les banquets réservés aux hommes. Or Théodore était par ailleurs un personnage intéressant ("progressiste") à plus d'un titre. Cela ne l'a pas empêché d'être un vieux macho de première.
A ce stade je m'interroge : et si on tombait sur un trait, avec un caractère nouveau, contre les dieux païens ? Est-ce que l'auteur préférerait y voir « le génie solaire » selon l'expression de son mentor, ou admettrait-elle la probabilité d'une déformation de l'idéologie monothéiste ?
Et, ô surprise ! Une occasion similaire arrive avec une mention de la vie après la mort. L'auteur accours aussitôt dans l'une de ses rares notes de bas de page : « le doute sur l'authenticité de ce fragment est fort possible ». Hé oui, on préfère botter en touche ce qui dérange.
Et encore ce fragment évoquant la « compassion » (qui apparemment à une connotation trop chrétienne aux yeux de l'auteur) : Tout de suite, on nous avertit qu'il est « sans doute apocryphe ».

Cette manière de discuter la philosophie me chagrine : Non ! Il n'y a pas les gentils philosophes et les méchants de l'autre. Il n'y a pas la face « solaire » et le côté obscur de l'autre... Nous n'avons pas le choix de nos sources. Il faut bien faire avec, même si cela ne nous plait pas. Cela ne veut pas dire qu'il faut admettre Diogène comme un misogyne et un fervent religieux, mais que sans preuve contraire, nous ne pouvons pas les écarter aussi rapidement, sans discussion aucune.




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