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Critique de raton-liseur


La lecture de ce livre est difficile à disjoindre du contexte de son écriture, rappelé par l'éditeur dans la note de présentation. En effet, il s'agit d'un texte posthume, que Tahar Dajaout a écrit très vite, dans les quelques semaines qui ont précédé son assassinat en juin 1993 (à la veille de l'été). Posthume, et probablement pas tout à fait fini, et cela se sent dans la structure du livre, qui ne semble pas tout à fait écrit d'une pièce. On a plus l'impression d'entrées de journaux intimes (il y a 17 chapitres pour moins de 100 pages de ma version électronique), un peu disjointes les unes des autres, mais qui se suivent quand même avec une certaine logique . le Dernier Ete de la raison est l'histoire de Boualem Yedder le libraire, bien sûr, mais écrit ainsi à la première personne, il est difficile de ne pas se dire que c'est la voix de Tahar Djaout que l'on entend directement.
Le pays est maintenant sous le contrôle des Frères Vigilants, dont la montée inexorable nous est racontée au fil des souvenirs récents de Boualem Yedder. La disparition de la joie, de la beauté, la façon dont peu à peu les gens et même le monde s'éteint. Boualem Yedder n'est pas homme à accepter ces changements, il n'est pas non plus un homme capable de se lever ouvertement contre un système ; alors, caché derrière ses livres, il fait de la résistance passive sans même vraiment s'en rendre compte. Et peu à peu, il perd tout. Il se coupe de sa société, les membres de sa famille s'éloignent, trop effrayés pour résister ou bien happés par l'endoctrinement constant. Ambiant.
C'est un livre où la détresse se déploie peu à peu, où l'espoir s'éteint sans que l'on y prenne garde mais inexorablement. le récit passe lui aussi petit à petit d'une évocation de la situation autour de Boualem Yedder à ses pensées intérieures. Les dernières entrées de ce journal personnel se font de plus en plus sombres, Boualem Yedder reçoit des menaces de plus en plus précises et l'on ne peut bien sûr s'empêcher de faire le parallèle avec la mort qui se rapproche aussi de l'auteur.
Le ton sombre se répand, et les dernières pages sont difficiles à lire parce que Boualem Yedder se sent de plus en plus coupé de son propre pays, de son peuple. Il est seul, il est même peut-être mort avant d'être mort. Ce livre est celui d'un homme désespéré, qui ne voit plus d'issue, qui commence à croire que tout est perdu. Il ne succombe pas aux sirènes de l'extrémisme, mais pour lui aussi, peu à peu, le monde s'assombrit, perd ses couleurs et sa joie.
Le Dernier Eté de la raison (un titre choisi par l'éditeur parce que Tahar Djaout n'a pas assez vécu pour le choisir lui-même) est, on ne peut s'en cacher, un livre très triste. C'est un livre très contemplatif aussi, plus récit que roman, il s'y passe assez peu de choses. Mais la description des changements par lesquels passent le pays et ses habitants y est très bien rendue, et surtout, les états d'âme du personnage (et de l'auteur) sonnent douloureusement, trop douloureusement, juste.
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