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Critique de Ingannmic


C'est à un exercice périlleux que se livre Chahdortt Djavann avec "Big Daddy". Cette auteure francophone d'origine iranienne, connue pour ses prises de position, exprimées au travers de ses écrits (fictions et essais), contre l'intégrisme musulman, s'attaque ici à un tout autre genre : le roman noir. Elle a de surcroît choisit de planter son action aux Etats-Unis, histoire de corser la difficulté...

Rody purge depuis ses treize ans une peine de prison pour avoir froidement assassiné trois hommes. C'est l'un des rares mineurs à avoir été condamné à perpétuité sans possibilité de liberté conditionnelle. Son avocate, Nikki Hamilton, qui lors de son procès s'est montrée impuissante à le défendre -elle a d'ailleurs suite à cette affaire cessé son activité-, a obtenu un droit de visite. Incapable d'abandonner le jeune adolescent à son isolement, elle se rend ainsi, plusieurs années durant, chaque semaine à la prison. Frappée par son intelligence et sa sensibilité, elle lui propose d'écrire un livre sur son histoire.

Le garçon raconte comment Big Daddy, caïd de son ghetto, l'a inexplicablement pris sous son aile. A la fois protecteur, père de substitution et professeur, il lui a inculqué ses leçons de vie toute personnelles, censées l'aguerrir et l'édifier sur les règles et le fonctionnement de cette jungle qu'est l'existence. Pour parfaire son enseignement, Big Daddy l'a fait assister à des scènes de tortures d'une violence insoutenable.

Le témoignage de Rody est entrecoupé de passages qui nous font entendre la voix de Nikki, que la solitude et les traumatismes d'un passé tragique, culpabilisant, plombe d'une amertume résignée. S'étant volontairement déconnectée d'un monde -une société américaine gangrenée par le cynisme et l'iniquité- et d'un milieu dans lesquels elle n'a jamais trouvé sa place, elle noue avec son protégé une relation dont la force se nourrit d'une trouble affection et de l'importance qu'elle acquiert aux yeux du garçon qui n'a plus qu'elle.

Cette double narration contribue à l'efficacité et à la densité de l'intrigue, peut-être même un peu trop... car si le récit de Rody, inscrit dans une logique d'ultime violence, dans un univers avec ses propres lois, conserve toute sa cohérence, je me suis à plusieurs reprises interrogée en revanche sur la nécessité de l'accumulation de drames dont l'auteur charge cette pauvre Nikki, dont les malheurs ne s'arrêtent pas à un passé désastreux, mais semblent la poursuivre comme une guigne. La conclusion, de même peu crédible, ne m'a pas convaincue.

Aussi, bien que je salue l'audace de Chahdortt Djavann qui parvient parfaitement, sur certains aspects de son récit -son rythme, équilibré et soutenu, sa dimension ténébreuse, et son imprégnation contextuelle- à jouer avec les codes d'un genre qu'elle expérimente à ma connaissance pour la première fois, j'ai regretté le manque de justesse dont il pâtit parfois, ses efforts pour doper le caractère désespéré de son texte étant par moments trop visibles.

J'ai tout de même bien l'intention de poursuivre ma découverte de cette auteure...
Lien : http://bookin-ingannmic.blog..
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