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Critique de lafilledepassage


Mourad Djebel se lance ici dans un exercice périlleux, celui de transposer à l'écrit des perles de la littérature orale. Pour cet exercice, deux approches: soit se limiter – et là aussi c'est un exercice très difficile - à la trame narrative des contes et faire fi de tous les artifices propres à chaque conteur et qui en sont la signature, ce qui donne généralement un texte âpre, brut, et souvent indigeste. C'est l'approche des collecteurs de contes, des linguistes et autres ethnologues de la fin du XIXème siècle. Soit faire passer le conte de la littérature orale à la littérature écrite, avec une adaptation indispensable – la langue parlée permet beaucoup de choses comme les répétitions qui passent beaucoup moins bien à l'écrit - et une attention particulière pour le style … L'approche de Djebel ici n'est pas nette : de temps en temps le style est très travaillé, très littéraire, et puis sans crier gare on passe à un style totalement délié et oral.

Un autre écueil dans la retranscription des contes c'est que souvent ceux-ci sont étalage de situations absurdes ou de décisions pour le moins incompréhensible. Et tout l'art du conteur vivant, je veux dire celui en chair et en os qui donne vie au conte, est justement de rendre ces situations, ces décisions (ou parfois cette absence de décisions) tout à fait vraisemblables, et du coup de nous faire rentrer dans le merveilleux. Certes cela est très difficile à rendre à l'écrit, mais certains y arrivent plus ou moins. Ici Djebel n'essaie même pas d'apporter une touche de vraisemblance : des frères écoutent leurs épouses plutôt que la soeur tant attendue, tant espérée, tant adorée, ou plus tôt dans l'histoire, ils ne reconnaissent pas les serviteurs de leurs parents, une jeune fille se laisse faire sans se révolter, un père accepte de quitter le camp sans ses deux enfants, …

Reste la très belle préface, un hommage rendu par l'auteur à sa mère et à toutes les conteuses qui ont bercé son enfance (car en Afrique du Nord le conte se conjugue au féminin, « les conteuses se jouant des valeurs de l'ordre établi et réactivant le mythe d'un matriarcat originel ») … car « dès qu'il s'agit de contes, il y a une voix qui ressuscite en nous». Voilà, tout est dit.
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