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Critique de Myriam3


Tout comme Doisneau lui-même, on peut se demander: mais qu'est-ce qu'il fout là-bas? L'homme qui photographie les enfants des rues de Paris avec tellement de poésie, ses amoureux, ses chiens errants et le bonheur tout simplement, le voilà dans ce monde complètement artificiel, cette ville de retraités millionnaires bâtie en plein désert californien, et en couleur de surcroît!
Que fait-il là-bas, donc, a-t-on le droit de se demander? Et bien il s'agit d'une commande de Fortune, un magazine d'affaires, voulant illustrer le rêve américain à renforts de belles piscines bleues et de terrains de golf verdoyants sous un soleil de plomb. Mais c'est un peu dépité que le patron de ce magazine devra d'abord faire le tri entre ces photos qui, cumulées, mettent sournoisement mal-à-l'aise... est-ce à cause de ces sourires un peu forcés de sexagénaires en habit du dimanche au bord de leur piscine? de certains regards qui se devinent sur le qui vive entre hôtesses d'une soirée? Ces robes de bal dignes du festival de Cannes agrémentées de fourrure, ces pantalons blancs immaculés sur les greens, ces piscines d'un bleu magnifique dans lesquelles personne ne se baigne jamais, ou encore, tout simplement, ces prises de vue d'une ville fermée sur elle-même en plein désert, avec cette classe sociale riche, blanche et retraitée où tout le monde semble interchangeable, fréquente les mêmes soirées, la même église et conduit les mêmes voitures interminables?
Comme le dit si bien Jean-Paul Dubois dans son admirable préface, ces photos de Palm Spring montrent une société d'une certaine époque, celle des années 60, et d'une certaine idée du bonheur, de l'accomplissement. Aujourd'hui Palm Spring est sans aucun doute bien différente, ne serait-ce que parce qu'elle est devenue une destination touristique LGBT et qu'elle accueille chaque année un festival lesbien.

Dans deux de ses lettres envoyées à son ami Marucie Baquet, Doisneau parle de son écoeurement, trop de piscines vides, trop de chiffes avec trop de zéros dans les conversations, trop de toc, trop de soleil. Il reste fasciné malgré tout par l'amabilité des gens, et surtout par la lumière du soir, incroyable. Sa dernière lettre s'achève sur sa hâte de rejoindre New York.
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