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Critique de BobPolar


Que feriez-vous si l'on incendiait votre cabane de jardin alors que vous avez repéré un type qui la squatte depuis quelques semaines ? Les Barlow de Peterborough, ville située à une centaine de kilomètres de Londres, logent dans une maison sur Highbury Street. Ils ont laissé se consumer l'abri dûment cadenassé et une partie du corps sans lever le petit doigt. A l'inspecteur Zigic et sa collègue Ferreira ils affirment n'avoir rien entendu. Ca pue le mensonge. L'homme serait un travailleur immigré nommé Jaan Stepulov. Qui est-il vraiment ? le duo de flics va péniblement remonter jusqu'à la source après avoir rencontré un marchand de sommeil - logeur qui abuse des démunis -, un voyou facho et pyromane (il cumule), la famille du défunt et croisé la pauvreté, le racisme, l'abattement, des crapules et des êtres vulnérables. Puis un corps est retrouvé dans un sale état sur la voie ferrée.

« Highbury Street était encore majoritairement polonaise cinq ans auparavant, quand Zigic avait pris la direction de la section des crimes de la haine. […] Aujourd'hui, Highbury Street était plus mélangée, il y avait des Bulgares et des Estoniens, un couple slovène qu'il avait rencontré lorsque leur fils s'était fait agresser avec des tessons de bouteille sur les bords de la rivière à Noël. »

Avec cette enquête policière à l'apparence classique Eva Dolan nous propose, par l'intermédiaire de ce tandem, la visite guidée d'une frange de la société anglaise. Les personnages principaux ont eux aussi posé leurs valises sur ce territoire. Ils ont fait leur trou dans un service de police où ils sont confrontés chaque jour aux blessures d'une population en difficulté grandissante et aux exactions d'exploiteurs de la misère humaine. C'est cette représentation qui éclaire le propos de l'auteur et permet d'entrer dans cet univers instable où la fragilité des individus se manifeste à chaque page. A tout moment ce vacillement peut transformer le quotidien et créer le désordre - insécurité, violence passive qui peut aisément évoluer vers la violence active. Cette région reculée, peu attrayante est restée à l'écart de la convergence économique et sociale. Rien d'étonnant à ce que l'on y retrouve des victimes et des bourreaux - ces derniers bénéficiant de l'isolement géographique et relationnel, de la détresse des expatriés. La vulnérabilité sociale est plus qu'engagée car les enquêteurs de police vont découvrir une insoutenable réalité : l'esclavagisme moderne. Ceux-là mêmes qui ont été confrontés au rejet des étrangers, qui l'ont combattu pour eux-mêmes et qui le combattent désormais pour autrui.

Les chemins de la haine est de ces romans sociaux qui permettent de briser des barrières si peu invisibles. C'est bien sûr par la noirceur du récit - essentiellement la souffrance - qu'apparaissent les zones d'ombre, que le profil des personnages se défloute, que se matérialise les blessures. Eva Dolan ne force pas le trait, elle décrit le silence de ceux qui ne sont plus considérés comme des êtres à part entière mais une cohorte d'ouvriers corvéables à merci. Par la maîtrise de ce cheminement qui ressemble à un calvaire elle nous offre un vibrant roman noir.
Lien : http://bobpolarexpress.over-..
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