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Critique de Renatan


« I smoke your brand of cigarettes
And pray that you might give me a call
I lie around in bed all day just staring at the walls
Hanging round bars at night wishing I had never been born
And give myself to anyone who wants to take me home »

Garbage, Cup of coffee

Un cri déchire la nuit, première cassure.
Ce cri est celui de Marion...
Il rompt l'avenir et nourrit l'incertain.

Quelques mois plus tôt, elle arrivait à Paris pour refaire sa vie. Venue de nulle part et nul endroit où aller. Des journées qui se résument à manger, dormir et tenir debout. Elle repense à ce père qu'elle cherche à tuer en elle et le lit défait des nuits interminables. Poupée de verre qui se casse sur le sol d'une enfance innocente. Rien ne sera plus jamais pareil…

« J'ai senti les murs comme quand j'étais enfant, sans porte ni fenêtre, la menace à nouveau, la peur partout. J'ai trouvé l'amour triste, pas ce que j'avais cru, il ne suffisait pas d'aimer pour l'être en retour »

Elle loue son corps aux hommes que Nicolas l'oblige à rencontrer. Obéir pour éviter les coups, pour survivre, aussi par amour. Pour se donner le sentiment d'être aimée de l'homme qui la méprise. Elle recherche l'amour comme on cherche à comprendre les choses qui nous sont incomprises. Comment peut-il en être autrement quand on n'a pas appris à exister pour soi-même et que le besoin de l'autre est plus fort que la hargne qu'il nous offre en retour? Surtout, nourrir l'espoir que les choses changent, d'être ramenée à la vie, à l'abri de tout.

« C'est plus difficile d'aimer quand on n'a pas entrainé le coeur à prendre des coups »

L'instant d'une illusion et tout bascule à nouveau. Rejet et coups de pied dans les côtes. Un simple réflexe, une colère, un dégoût. Un mot de trop de sa part, l'excuse parfaite. Et mourir l'instant d'après… Son corps est une plaie qui se referme chaque fois sur un espoir qui conduit inévitablement à la fatalité de l'amour.

L'âme de Marion s'est fracturée. Entre la solitude et le vide, elle vit dans la honte coupable de ne jamais avoir été à la hauteur. Diminuée par les hommes, dépréciée par la vie…

« Il neige à l'intérieur de moi, comme une saison morte »

Second cri dans la nuit, deuxième cassure.
C'est le cri d'Ève…
Il rompt le silence des nuits paisibles et des après-midi sans fin.

Elle fréquente les sites de rencontre où, sans amour, elle offre son corps à qui est assoiffé de sexe. Ève ne fait pas l'amour, elle baise. Comme une revanche sur la vie, elle méprise et contrôle les hommes, convaincue que de l'espoir et du rêve naît l'envie, et que l'envie conduit à la déception. Surtout, ne pas s'attacher et prendre le dessus sur ses émotions, « donner juste assez pour pouvoir tout reprendre ». Une fois les mecs partis, elle se caresse dans l'intimité de sa chambre pour remplir le vide qu'ils auront laissé en elle.

« J'enfonce les ongles dans le palpable, le bout des doigts râpés à trop chercher l'appui. Rien qui ne se disloque, rien qui ne cède pas. Dans tout ce que j'attrape y a rien d'assez solide pour supporter le poids des choses »

Mais avec David ce sera différent, elle apprendra le manque. La beauté d'être soi. L'acte de se donner et recevoir dans l'amour. Arrivera-t-elle à combattre ces sentiments nouveaux qui émergent en elle sans avoir à se blinder? Sans avoir à craindre et entrevoir un avenir? À ses yeux, l'amour est une forme de mort lente qu'il faut fuir avant d'en crever.

L'âme d'Ève s'est fracturée. Entre la rage et le mépris, elle vit emmurée dans la crainte de ne jamais pouvoir aimer. Diminuant les hommes, dépréciant la vie…

« Les gens qui souffrent n'ont pas besoin de mots pour se reconnaître… »

À travers Marion et Ève, Antoine Dole nous livre le témoignage touchant de deux femmes aussi différentes qu'elles ont tout en commun, une soif d'amour et de tendresse, d'une caresse apaisante, du sentiment de sécurité affective. C'est avec une force inouïe qu'il nous parle de l'instinct de survie, de la confiance et de la force fragile en chacun de nous. Mais au-delà de tout, de ce besoin viscéral d'aimer et d'être aimés en retour…

Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
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