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Critique de colimasson


Françoise Dolto est surtout connue pour être la mère du chanteur Carlos, adepte de l'éloge fruitier dans des chansons aux mélodies tapageuses. Mais laissons-ça de côté quelques instants et abandonnons les rageurs qui entreprendraient de réduire à néant ce monstre de la culture populaire dans ce qu'elle a de plus brillant à leur vindicte. Donner naissance à un simplet lorsqu'on s'inscrit dans une certaine forme d'intellectualisme (si tant est que la psychanalyse fasse partie de ce domaine) n'a rien de contradictoire. le karma est imprévisible. Et qui d'entre nous n'a jamais rêvé, au moins une fois dans sa vie, d'être aussi heureux et épanoui que ce bon vieux Carlos semble l'être ? Françounette est donc avant tout psychanalyste et dans ce livre, elle décortique les Evangiles à l'aide de l'outil psychanalytique.


"En lisant les évangiles, je découvre un psychodrame. Les mots mêmes avec lesquels ils sont racontés, la sélection des phrases, le choix de certains thèmes peuvent être entendus d'une autre manière depuis la découverte de l'inconscient et de ses lois par Freud. Les découvertes actuelles de la psychanalyse, dialectique et dynamique de l'inconscient, sont illustrées par ce psychodrame qu'on nous relate. A l'élaboration des évangiles président, entre autres, les lois de l'inconscient de Jésus, des rédacteurs et des premiers auditeurs. Ces lois font partie intégrante de la structure de ces récits. Pourquoi ne pas aborder leur lecture avec ce nouvel outil : la psychanalyse ?"


Jakot dit Lacan considérait que Tirésias, le devin de Thèbes, constituait un bon exemple antique de ce qu'il entend être un psychanalyste ; Dolto considère quant à elle que Jésus, tel qu'il nous est raconté dans les Evangiles canoniques, agit selon les lois de l'inconscient que Freud a explicitées au siècle dernier. Françou nous permet donc de redécouvrir les Evangiles et de les relire avec une certaine innocence qui ne fait pas de mal, et elle indique également que la psychanalyse ne part pas uniquement des élucubrations d'un farfelu du siècle dernier mais qu'elle porte en elle une sagesse insue dont on peut retrouver des traces à toute époque.


Dans ce premier tome des aventures des Evangiles, Dolto revient sur plusieurs passages de la vie de Jésus. Elle démystifie cette Immaculée Conception qui a déchaîné la connerie de tous les culs coincés bouchés à l'émeri du langage métaphorique ; elle nous parle de l'épisode du Temple, lorsque Jésus échappe à ses parents pour découvrir sa voie (son désir) et échapper au leur ; elle explicite ces paroles de Jésus à Cana « Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi ? » et plein d'autres choses encore. Françou approfondit également les différents épisodes de résurrection miraculeux infléchis par Jésus. le sens de ces miracles aurait été d'éveiller et de conduire les supposés morts à leur désir pour les resusciter et leur permettre d'échapper à l'emprise des lois mortifères.


« [Jésus] nous fait sans cesse basculer du champ de la loi dans le champ du désir ».


On ne va pas reprocher à Dolto de nous bassiner la tronche avec sa psychanalyse dans toutes ces histoires parce que c'est quand même son coeur de métier et que nous faisons tous pareil à notre niveau, c'est-à-dire qu'on ne peut guère s'empêcher de ramener notre fraise et les deux ou trois petites idées originales qu'on croit posséder sur n'importe quel sujet, à tort et à travers. Bon, il s'avère qu'ici, c'est plutôt à raison et de bon droit. Derrière le langage métaphorique de Jésus on peut retrouver des enseignements psychanalytiques chers à Dolto. Abandonner père et mère pour aimer Dieu, c'est-à-dire le Soi en soi-même, venir comme des petits enfants, dans l'innocence des préceptes moraux et des héritages toxiques pour s'ouvrir à son désir. Venez comme vous êtes, nous dit Domac ; venez à ce que vous voulez être, nous dit Jésus la Malice.


« C'est d'une césure de la zone d'influence de la génération parentale que surgit la liberté dans l'invention du Désir de la génération des fils et des filles. »


Last but not least, une belle relecture de la parabole du Samaritain s'offre à nous. Françoise nous raconte que l'interprétation souvent donnée de cette parabole (aime ton prochain comme toi-même) l'a longtemps dérangée. On sous-entend qu'il faut aimer son prochain comme on aimerait n'importe qui d'autre ce qui fait que finalement, l'amour aurait peu de prix et finirait par s'avilir dans une sorte d'égalitarisme proche de l'anesthésie sentimentale. Freud aussi n'aimait pas trop ce précepte, soit dit en passant. Mais en fait non, ce n'est pas ça. le Samaritain s'en foutait du pauvre gars, il l'a aidé parce que c'est la vie, d'ailleurs il s'est même montré un peu radin en donnant seulement quelques sous à l'aubergiste chez qui il a foutu le pauvre mec pour s'en débarrasser, et une fois reparti sur la route, il n'y pensait déjà plus. Quand on aide, c'est qu'on a déjà assez en soi pour le faire, sinon on n'aide pas. « Il faut savoir s'éprouver ! Si nous sommes incapables de rendre service, soyons réalistes pour ne pas le faire, nous le ferions mal ». C'est en recevant ce don de temps et d'effort du Samaritain que le pauvre mec a pu comprendre un truc : la valeur de l'amour gratuit, du don de soi sans préoccupation pour son fruit (comme dirait Pacôme Thiellement), et c'est ce genre d'enseignement qui touche au plus profond de l'être qui devient performatif pour les siècles à venir. le pauvre mec à son tour va pouvoir se mettre à kiffer et à s'ouvrir aux autres parce qu'on lui aura un jour accordé un geste totalement indifférent, mais qui l'aura remis d'aplomb sur la route et qui aura été de la plus grande importance pour lui (alors que pour le Samaritain, c'était que dalle).


« Je t'ai donné et tu ne m'as rien rendu. Je n'en ai pas eu le bénéfice. Mais toi, tu as eu le bénéfice de savoir que tu es aimé et que tu aimes. Alors jaillit un lien nouveau de nouvelle alliance, une « alliance » d'amour entre les êtres sans bénéfice commercial. […]
« Aime ton prochain comme toi-même », c'est-à-dire : « N'oublie jamais cette plus-value de vitalité dont ton prochain t'a fait don, sans s'appauvrir lui-même. En passant, il t'a permis de reprendre, debout, ton chemin ». »


C'est ce qui décrirait un peu l'éthique du psychanalyste, et ce qui ferait de Yésou le first but not least de tous les psychanalystes de ce monde de dingues.
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