Rennes n'était pas loin, cent kilomètres tout au plus, mais cette distance nous paraissait infinie. Un monde existait en effet entre l'effervescence musicale rennaise, qu'incarnaient Marc Seberg, Étienne Daho et quelques autres, et la stagnation à laquelle la scène nantaise semblait condamnée, elle qui n'abritait aucune formation digne de se diffuser hors les murs.
Je vins à Rennes de plus en plus souvent. J'y avais lié des amitiés, et j'y répétais ou enregistrais régulièrement. Je n'y croisai jamais Philippe, ni ne cherchai à le revoir, mais je le savais là, pensais à lui, et souvent, en marchant dans les rues à la nuit tombée, je me sentais comme immergé dans certaines de ses chansons. Elles en étaient l'écho nocturne parfait.
Marquis de Sade a toujours été un groupe intimidant. Il était finalement plus simple de se raccrocher aux émanations de celui-ci après sa dissolution, Marc Seberg dès leur second album ou Octobre : leurs répertoires respectifs étaient moins âpres, plus aimables pourrait-on dire. Mais la trace laissée était indélébile. On en parlait comme de notre Velvet à nous.
Et si la musique, plutôt que de l'éloigner de ce qui le rongeait, était ce qui l'y avait ramené, l'avait fait "replonger"?