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Critique de 5Arabella


Paru en 1963, toujours disponible, qui plus est en format poche, cité dans les bibliographies des oeuvres concernant Corneille, on aboutit un jour ou l'autre à ce livre lorsqu'on s'intéresse à cet auteur.

Serge Doubrovsky aime visiblement beaucoup le dramaturge du XVIIe siècle et semble avoir passé beaucoup de temps dans la compagnie de ses oeuvres, y compris les moins prisées actuellement. Il remet en cause un certain nombre (presque toutes) d'approches qui en ont été faites précédemment, et pense que la critique progresse et avance, dépasse les travaux antérieurs. Il récuse une approche qui s'intéresse de trop près au contexte historique et à la vie de l'auteur, car c'est l'oeuvre qu'il s'agit d'analyser, et pour cela la connaître en entier est indispensable, c'est dans la progression, l'évolution, dans la logique interne, que le sens se révèle.

Je suis très sensible à l'idée de reprendre tout Corneille, à partir de la première pièce, et d'essayer de comprendre ce qui se construit à partir de là. Car pour les avoir relu récemment, je leur trouve un grand intérêt. L'idée assez répandue selon lequel le seul « vrai » Corneille serait celui des quelques pièces canoniques du milieu de carrière, avant il ferait ses gammes, et après c'est la décadence, me semble absurde. Corneille est juste quelqu'un qui a toute sa vie essayé des choses, réfléchit à ce que devrait être une pièce de théâtre, et ne s'est pas contenté d'appliquer la même recettes, même s'il y a une cohérence et une logique dans sa démarche qui donnent une unité à l'oeuvre, même si elle est moins facile à saisir que pour d'autres auteurs. C'est pour moi un des grands mérites du livre de Serge Doubrovsky que de défendre ce point de vue.

Après, on peut être plus réservé sur les outils qu'il utilise : la notion existentialiste de liberté et la dialectique du Maître et de l'Esclave inspiré de Hegel. Même si ces notions apportent quelques idées intéressantes, elles ne peuvent êtres les seules clés, et d'autres lectures sont possibles. Cette multiplicité des lectures que permet une grande oeuvre est d'ailleurs une idée sur laquelle insiste Doubrovsky lui-même. On peut aussi s'interroger sur « l'oubli » d'un certain nombre de pièces, qui collent sans doute moins bien dans son schéma d'analyse, Médée, sa première tragédie, et les pièces à machines, par exemple.

Mais Doubrovsky pointe la notion de l'Histoire chez Corneille de manière assez intéressante, les vicissitudes et finalement l'impuissance du héros cornélien tel qu'elle semble se dégager pour Doubrovsky de l'ensemble de l'oeuvre, mettent en évidence l'impuissance de l'aristocratie au XVIIe siècle et annonce sa fin. Mais au-delà, elles pointent d'autres impuissances et d'autres fins, d'autres groupes sociaux, dans un aspect universel et intemporel.

Pas toujours simple à lire, sans doute ayant un peu vieilli, et quelque peu systématique dans ses partis pris, c'est toutefois une lecture stimulante pour ceux qui s'intéressent à Corneille.
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