— Tu vas regarder dans le miroir la fille de dix-sept ans dans un corps de cinquante et réaliser que tu as perdu tellement de temps à être dévastée par le fait que ces connards ne t'aimaient pas, que tu auras oublié qu'il y a tout un monde de gens qui t'aime.
C'est juste là, devant moi. Une cathédrale, assise devant un ciel bleu. Et sans me contrôler, je lève la main, la tends comme si je voulais serrer la montagne dans mon poing. Mais tout ce que je parviens à sentir, c'est l'air du matin qui glisse entre mes doigts.
—Tu avais juste besoin de ce dont tout le monde a besoin, me dit-elle. Un foyer.
Je serre les poings, essayant de garder une respiration régulière.
—Ce n'est pas un endroit, Tiernan. C'est un sentiment continu-t-elle la voix tremblante.
Oui, la vie ne peut être heureuse que lorsqu'elle est partagée.
La douleur nous rappelle toujours que nous sommes en vie. Et la peur qui va avec, qu'on veut rester vivant.
Elle a besoin de beaucoup de choses, et aucune ne s'achète. Elle a besoin de rire et de se soûler. Elle a besoin d'être chatouillée, câlinée, portée et taquinée. Je ne veux pas la voir pleurer, mais si elle le fait, je... je veux qu'elle sache que je peux la réconforter.
Il est gelé, mais je brûle de l'intérieur.
Je suis là, à dire que je n'ai pas besoin d'aide, mais s'il te plaît, ne retire pas ta main.
Les cheveux noirs de Khaleb autour de son visage bronzé. Les épaules toniques et la taille étroite de Jake.
Les veines des avant- bras de Noah et...
JE me redresse, déglutis et opère un demi- tour pour quitter rapidement la pièce.
Il faut que je sorte d'ici.
Lorsqu'il l'a installée dix ans plus tôt, j'ai d'abord cru que la balançoire était pour moi. J'avais le droit de jouer avec, mais c'est bien ma mère qui s'en servait. J'avais l'habitude de les regarder par la fenêtre de ma chambre, tard dans la nuit, mon père la poussant et la magie de leurs rires me donnant envie d'être avec eux. Mais je savais que dès qu'ils me verraient, la magie n'opérerait plus. Elle disparaîtrait.