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Critique de mh17


Sergueï Dovlatov (1941-1990) est un nouvelliste hors-pair et un des meilleurs écrivains russes de la période Brejnévienne. Ses nouvelles étaient connues sous samizdat en URSS. Il émigra en 1978 aux États Unis où paraîtront ses premiers livres. Il faudra attendre la chute de l'URSS pour voir ses textes publiés en Russie où il connaît depuis une gloire posthume méritée. Dans le Compromis, Sergueï Dovlatov se sert de son séjour à Tallin et de son expérience de journaliste au «Sovetskaïa Estonia » [ Estonie soviétique] de 1973 à 1976. Les histoires satiriques racontées à la première personne sont néanmoins toutes inventées, à mi-chemin entre le réalisme et l'absurde.

Quand il arrive à Tallin, le narrateur « Dovlatov » a vingt-sept ans, des dettes, une pension alimentaire à payer et un désespoir certain qu'il noie dans la vodka. Il est sans travail. On lui a proposé un emploi à « La Sentinelle de la Patrie ». Il sait qu'il va devoir supporter les petits chefs, la médiocrité ambiante, les normes absurdes, la censure, avaler des couleuvres.
Le livre est constitué de douze nouvelles satiriques intitulées ironiquement « Compromis ». Chacune d'entre elles débute par l'article conformiste publié dans un journal estonien russophone. Et il est suivi par le récit de l'envers du décor. le premier Compromis donne le ton avec un dialogue savoureux.Touronok, le rédacteur en chef du journal, fait remarquer au narrateur qu'il a commis une grossière erreur idéologique dans un entrefilet sur une conférence scientifique internationale. Dovlatov a en effet classé les pays étrangers par ordre alphabétique. Or il faut placer en tête les pays frères, puis les pays neutres et enfin les membres du bloc... Dovlatov s'exécute. Mais cela ne va pas non plus. Il faut, sachez-le, commencer par ceux qui ont le plus de loyauté envers le grand-frère. Les récits commencent souvent par de petites saynètes au journal et se poursuivent en reportages épiques. Dans le Compromis numéro cinq, Dovlatov est chargé de préparer un article constructif pour l'anniversaire de la libération de Tallin. Il doit aller à la maternité la veille et faire un reportage sur ce qui est sensé être le 400 000è résident de la ville : « Un homme condamné au bonheur ». Encore faut-il que le bébé soit « publiable » c'est-à -dire être « un garçon parfait » sans handicap ni mère célibataire et puis de « bonne » nationalité, évidemment. Et ce n'est pas facile. Dans le compromis numéro six, il faut trouver une personne intéressante à interviewer. Or les candidats présélectionnés ne sont pas irréprochables, loin s'en faut. Qu'à cela ne tienne, on maquillera la vérité avec des pots de vin et des subterfuges bricolés. A côté des citoyens ordinaires plus ou moins compromis, on trouve des exceptions, des survivants revenus de tout, des perdants misérables et puis d'impayables rebelles à moitié fous dont l'inoubliable E. L. Bush et son épouse Galina.
Et on rit comme on boit pour oublier vainement la douleur.

L'ouvrage se termine par des notes et un entretien de l'auteur avec John Glad (1988) très intéressant.

Je remercie l'équipe Masse critique et les éditions La Baconnière pour l'envoi de ce très bon livre.
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