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Critique de ODP31


D'un roman à l'autre, les personnages de Jean Paul Dubois partagent le même génome et l'auteur cueille ses histoires dans le même marronnier.
Ses doubles se prénomment presque toujours Paul. Il est difficile de vous dire à quoi ils ressemblent car les descriptions n'esquissent que les reflets de leurs ombres. Un effet miroir. Si l'auteur ne décrit pas l'emballage, on devine toujours chez les « Paul » de bonnes bouilles de victime, plus locataires que propriétaires de leur existence, plus fatalistes que révolutionnaires aux poings levés.
Le héros de « Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon » ressemble trait pour trait... de crayon à ce portrait-robot.
Paul a un père danois, pasteur exilé au Canada pour prêcher à proximité d'un gisement d'amiante à ciel ouvert et qui joua les derniers deniers du culte dans les champs de course. Un personnage très bien construit qui perd la foi et se réfugie dans le hasard pour continuer à croire en quelque chose.
Paul a une mère qui ne risquait pas une overdose d'instinct maternel. Elle exploita un cinéma d'art et d'essai à Toulouse et y programma dans les années 70 « Gorge Profonde ». Une liberté artistique incompatible avec les principes moraux et religieux du mari. Les fidèles s'indignèrent et la belle devint infidèle.
Chez Jean Paul Dubois, les héritages familiaux sont lourds à porter, comme un tatouage de jeunesse au milieu du front. Point d'inné, que de l'acquis, souvent bien mal. La question de la déliquescence du couple traverse l'oeuvre de l'écrivain. L'usure du temps et des sentiments.
Paul n'a pas bénéficié de circonstances atténuantes et il a le temps de nous raconter ses joies, ses peines et l'acharnement du destin car il purge une peine de deux ans de prison à Montréal pour des faits de violence.
Entre deux souvenirs, il nous livre le quotidien de la cellule qu'il partage avec Horton, un Hells Angels imprévisible qui attend son procès pour meurtre, réfractaire au bon sens et phobique aux rongeurs.
En prison, les heures ne manquent pas pour raconter et se raconter des histoires. du pain béni pour cet auteur qui ne découpe jamais la vie de ses héros en tranches, préférant les accompagner de la naissance au trépas.
le récit alterne des scènes assez désopilantes qui se passent entre les quatre murs de la cellule et le fil de la vie pré-carcérale de Paul, une corde raide qu'il traversa comme un funambule apatride et aveugle, sans filet de sécurité.
Suite à la séparation de ses parents et après avoir suivi son père au Canada, Paul fut pendant longtemps le super intendant d'une résidence de standing, concierge dévoué qui réparait aussi bien les robinets que les âmes des pensionnaires. Il fut aussi l'heureux mari d'une pilote d'avion, femme de caractère au sang Algonquin.
L'élection d'un nouveau président de syndic, un « cost killer » Trumpisé, plus affamé de rendement que de bons sentiments, allait précipiter la fin des beaux jours et conduire Paul à la case Prison.
Le récit ne sombre jamais dans la tragédie grâce à l'humour un peu « smart » et distancié de l'auteur qui possède le don d'enchanter le désenchantement de ses personnages. de la langueur, mais point de longueurs dans ce texte dont la lecture est aussi douce et fluide que celle du titre.
Chez Jean-Paul Dubois, les romans disposent de deux adresses postales : L'une à Toulouse (ville natale de l'auteur, et de l'auteur du présent billet, soyons chauvin) et une en Amérique, mais il ajoute des lieux insolites qui sont un prétexte à dénoncer les injustices du destin et celles des hommes (l'exploitation de l'amiante au mépris des alertes sanitaires, l'emprisonnement de la victime et non du bourreau).
Jean Paul Dubois est un écrivain dont l'univers ressemble à celui de Ian Mac Ewan et s'il creuse toujours le même sillon, j'adore fréquenter son exploitation.



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