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Critique de Sarindar


Ils sont trois à s'être questionnés sur un phénomène qui leur a servi à cerner sous des angles différents ce que l'on a appelé le féodalisme : Ganshof pour répondre à la question, qu'est-ce que la féodalité ? Bloch pour analyser les structures de la société féodale et enfin Duby pour explorer un imaginaire qui a permis lentement à cette société médiévale occidentale de s'auto-analyser, de s'accepter et de se définir, ce qui n'allait pas de soi, car la réalité d'une structuration ne se mesure qu'après sa mise en place dans les faits avant même qu'on ne puisse se mettre à l'étudier. C'est pourquoi la construction de la société médiévale en trois ordres - clergé (qui prie et rapporte les choses aux fins dernières), noblesse (qui a fonction théoriquement de combattre donc de défendre, mais quoi et qui en réalité ?) et travailleurs (qui ont pour principale obligation et raison d'être de nourrir et de créer les objets du quotidien à la force de leurs mains pour le bien de tous mais qui ont besoin pour cela de conditions optimales de paix, ce qui n'est pas forcément facile à obtenir vu leur position d'inférieurs par rapport aux deux autres ordres) est d'abord réalité avant de devenir vision de soi globale, plus ou moins bien acceptée et partagée. La difficulté vient de ce que les deux ordres qui détiennent le pouvoir : ceux qui prient et ceux qui combattent, ne partagent pas forcément les mêmes intérêts, les mêmes priorités et la même vision des choses. C'est toute la problématique abordée et adoptée par Georges Duby qui constate que c'est dans la France du nord que cette conscience de la fragmentation de la société en trois ordres distincts et concurrents mais complémentaires et indissociables s'est forgée dans cette aire géographique aux XIe et XIIe siècles, et qu'elle a intégré les nécessaires et inévitables évolutions que les rapports de force entre noblesse, clergé et tiers État (lui-même fracturé entre bourgeois, artisans,populations rurales libres ou asservies, etc.) ont pu susciter à tous les niveaux et à tous les instants. Tantôt les faits ont favorisé une classe plutôt qu'une autre, à tel ou tel moment, mais ces trois ordres ont finalement fonctionné pendant plusieurs siècles tantôt en tension et tantôt en alliances circonstancielles, selon les situations économiques et sociales et les intérêts propres à chaque catégorie, le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel se disputant la primauté sur tous les autres et faisant quand même alliance entre eux pour maintenir, tant bien que mal, leur férule sur le troisième ordre, tantôt obéissant et tantôt grondant, le tout fonctionnant tant bien que mal jusqu'à la Révolution.
D'où la difficulté conceptuelle globale à se reconnaître dans pareille division d'état et de fonctionnement hiérarchique d'une société, où tout vient encore se compliquer du fait des différences existant entre les sexes

François Sarindar
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