Les scientifiques nous appelaient Grands blessés facio-musculaires, les plus fantaisistes préféraient donner dans l’imaginaire… Mais tous nous classaient à grand renfort de dessins ou de photographies, car même si nous étions des horreurs, nous devions à tout prix faire partie de la grande histoire humaine
p.106.
La peur, le défiguré la ressentait avec acuité : la peur d'avoir à subir une situation humiliante, d'être atteint dans sa dignité. Car c'est souvent du dégoût, que le défiguré percevait dans le regard d'autrui, ce qui contribuait à élever entre lui et les autres une barrière infranchissable. Les réactions de rejet induisaient d'indicibles sentiments de honte, de gêne et d'insécurité qui s'avéraient insupportables et parfois même insurmontables.
p.80.
J'en avais eu ma dose de tenue rayée, même si la comtesse parlait pas de la même étoffe, entre l'hôpital et la prison, c'est souvent le même mobilier...et en plus de ma gueule, j'estimais que j'avais déjà assez donné de mon temps à la nation...
Tu penses qu’au lit, on avait pas envie d’y aller. La journée, t’arrivais encore à t’empêcher de gamberger à peu près, mais la nuit, t’avais plus de parapet pour t’empêcher de sauter
J’en avais rien à foutre de la médaille. La récompense, ça faisait déjà longtemps que je la portais sur ma gueule. Pas besoin d’avoir une redite en bandoulière et défiler encore moins… Défiler pour quoi ? Pour qui ?? Pour montrer mon bel uniforme ? Mes souliers cirés ? Mon calot deux doigts sur le côté ? J’y vais plus aux défilés. Terminée la cadence, là-bas personne marchait en cadence ! Le seul rythme qu’on entravait, c’était celui de nos boyaux qu’en chiaient de trouille devant la marmite en acier Krupp !!