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Critique de lebelier


Un professeur d'histoire-géographie, Éric Capadis, se suicide en se jetant par la fenêtre de sa salle. Pierre Hoffmann, narrateur de l'histoire et professeur de français, remplace son collègue au pied levé devant les quatrième F, classe des plus étranges. On apprend que les élèves qui la composent se connaissent depuis le CP et forment un bloc soudé et indestructible. Une série de faits à rendre paranoïaque se révèlent à Pierre : coups de fil anonymes, réception de colis morbides, une élève se retrouve avec le visage balafré à coups de cutter, celle-là même qui a essayé de le prévenir d'un danger qui reste flou. D'autre part, Pierre entretient des relations ambiguës avec sa soeur dépressive qui tente de se tailler les veines ...Ses collègues, en dépit d'offrir un panel intéressant du corps professoral minimisent les faits, autant que le principal manipulé par les parents d'élèves. Lors d'un voyage à Etretat organisé par les élèves eux-mêmes, le drame se dénoue et trouve sa signification. Car à travers le roman, le narrateur offre de nombreuses digressions, notamment sur un concert punk des années soixante-dix auquel Pierre assiste avec sa soeur, de la visite que Pierre fait aux parents d'Éric, vieillards figés dans le temps où l'on apprend qu'Éric était un élève brillant qui s'est détaché progressivement de ses parents au cours de ses études...

Christophe Dufossé intègre un roman sociologique dans une tragédie avec des protagonistes au destin implacable. C'est le roman de l'adieu à l'enfance (destruction des peluches, début du raisonnement à l'adolescence qui m'a rappelé précisément mon professeur d'histoire-géo de quatrième qui répétait qu'à notre âge, on "devait commencer à sortir du cocon"...) et du nihilisme de l'adolescence (punk, violence, refus d'un monde étriqué où les adultes sont devenus comme des fantômes-les parents d'Eric, le principal ...) :

"- Je suis encore un enfant. Nous sommes encore des enfants. Comment expliquer qu'il n'y ait déjà plus rien d'enfantin dans ce collège? Il y a un effet général, c'est très bizarre. Quelque chose suit son cours, mais on ne peut jamais savoir quoi." (311)

Ce paragraphe semble résumer assez bien le mal-être adolescent, se nourrissant de rien, du non-dit, ce même indicible qui sourd dans la classe de quatrième F. Des réflexions philosophiques plus ou moins bien menées ressortent des conversations du professeur et de ses élèves. Non qu'il faille sous-estimer la pensée des adolescents, ils n'ont ni la culture ni le recul nécessaire à une réflexion aussi poussée que celle citée plus haut. C'est le premier écueil du roman hormis quelques invraisemblances -le professeur de français remplaçant un collègue d'histoire, des dames qui mangent des pêches au mois de mars dans un parc, des élèves organisant un voyage, les parents le décidant...
le style possède cette préciosité du premier roman comme si l'écrivain voulait montrer qu'il manie bien la langue, un peu comme un musicien qui ne cesserait de vouloir prouver qu'il sait jouer en étant par trop démonstratif On peut accorder à l'auteur qu'il trahit le détachement un peu cynique de Pierre mais chaque portrait en pied est détaillé presque comme un inventaire alors qu'il aurait peut-être fallu procéder par touches.
Par ailleurs, les descriptions de paysages de brumes et de pluie sont récurrentes jusqu'à la manie. L'idée est néanmoins excellente et le nihilisme du narrateur rejoint bien, à la fin celui des élèves malgré la différence de génération. Certains détails concernant l'Education Nationale et son système sont un peu surfaits voire peu utiles à l'intrigue. Faut-il par exemple parler des ISO? L'auteur devrait penser qu'il peut être lu par d'autres gens que des professeurs!
Etrangement, j'ai préféré le film avec Laurent Lafitte en Pierre Hoffmann, plus cohérent malgré ses défauts.

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