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Critique de berni_29


Souviens-toi de ton avenir est le dernier roman d'Anne Dufourmantelle, philosophe, romancière et psychanalyste, publié à titre posthume, l'écrivaine nous ayant quitté tragiquement le 21 juillet 2017. J'ai découvert cette auteure par son essai magnifique intitulé L'Éloge du risque.
Ce roman nous mène très loin. Il est possible qu'il nous mène plus loin que l'horizon, plus loin que le temps. Il est possible que le temps ne ressemble pas à l'image que nous nous en faisons. Et si nos rêves étaient une manière de trébucher dans le temps... ?
Ce sont deux histoires qui font écho à sept cents ans de distance. Deux histoires qui finissent par s'entremêler. Ce sont deux quêtes. L'une maritime, vers d'autres contrées lointaines, peut-être une manière de sauver et étendre un empire menacé en le projetant de l'autre côté de l'océan, vers des terres encore inconnues. L'autre, celle de désirer reconstituer l'itinéraire du roi mongol, comprendre, identifier la destination de cette épopée.
En 1321, sur les hauts plateaux de l'Altaï, un roi Mongol dénommé Akhan, descendant de la dynastie de Gengis Khan, pressentant une menace fatale des chinois sur son empire, décide d'entreprendre l'ultime voyage par-delà la Chine, vers l'océan.
Sept cents plus tard, une équipe de chercheurs passionnés de textes anciens, renoue avec l'itinéraire du roi et de ses troupes, par le biais des fragments d'un texte, sorte de carnet de voyage, écrit par un géomètre génois, Adalberto, dans deux langues, l'une le phags-pa (l'un des alphabets mongols) et l'autre en latin. Ses fragments ont été dispersés dans le monde. L'équipe va alors tenter de reconstituer le puzzle, comprendre le message transmis par le temps, identifier la destination de leur fabuleux périple, vers l'océan Pacifique, puis l'Équateur. S'ensuit quelque chose qui ressemble à une sorte d'enquête, digne d'un thriller. Réveiller une hypothèse, contredire un pan de l'histoire liée aux origines de la découverte de l'Amérique...
Depuis une librairie de Paris, nous partons, nous voyageons ainsi de Bâle à Madrid, de Naples à Londres, de Budapest à Quito.
Les deux récits vont faire écho, s'alterner, chapitre après chapitre. Les deux quêtes, bien différentes, ont pourtant bien des points communs. Certains personnages se ressemblent aussi, comme si l'auteure avaient voulu jouer sur une forme de jeux de miroirs, jouer avec le temps, ce temps qui vacille lorsque les rêves s'en mêlent comme des chausse-trappes. C'est ainsi que l'auteure semble convoquer par instant quelque chose qui ressemble de près, non pas forcément à du fantastique, mais du moins à quelque chose proche du parapsychologique.
Nous voyageons entre deux rives du temps. Ces deux rives ne sont pas forcément si éloignées. Nous voyons les personnages de ces deux rives s'animer, parfois se quereller, s'affronter aussi. La passion les anime. D'autres sentiments aussi comme le désir, l'amour, la jalousie... Nous sommes les témoins muets comme si nous étions sur une barque entre ces deux rives.
Notre barque avance, nous avançons dans le temps abyssal. Il est possible que les méandres du temps nous emportent dans le fleuve immense qui serpente entre ces deux histoires. Quel en sera le lien ? Qui tendra les bras, appellera les gestes pour rassembler les fragments dispersés d'un puzzle à reconstruire ?
C'est un roman grisant, nous sommes happés dans le temps de ces deux histoires qui ne cessent de s'interpeler, comme si les personnages respectifs avaient le sentiment de se connaître, de s'attendre d'une rive à l'autre. Nous sommes appelés vers la fin du livre comme le courant qui nous entraîne inlassablement entre ces deux rives. Nous avançons dans la brèche du temps. Il est possible que nous trébuchions dans un rêve qui nous amènerait sur une jonque abordant un rivage sur une plage de l'Amérique, précédant de quelques années le célèbre navigateur Christophe Colomb.
Le rêve d'une terre promise...
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