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Critique de AugustineBarthelemy


1578. Henri III règne depuis bientôt quatre ans. Aimé du peuple avant d'être couronné, il devient très vite impopulaire, s'attirant les foudres du peuple écrasé d'impôts qui servent à entretenir à grands frais les « mignons », favoris du roi, essentiellement décrit ici comme efféminés, opportunistes et lâches. Pire aux yeux de tous, Henri III est bien trop pusillanime vis-à-vis des hérétiques, les huguenots. Et pour compléter le tout, sa couronne est constamment remise en cause : le Parti ultra-catholique des Guise la convoite, tout comme François, duc d'Anjou, frère cadet du roi, et successeur potentiel d'Henri III qui n'a toujours pas de descendance. C'est dans cette ambiance particulièrement délétère que prend place l'histoire de la Dame de Monsoreau. Et mon dieu, quelle histoire ! Épique à souhait, romantique en diable, on y trouve le talent extraordinaire de Dumas, qui a le génie de nous faire oublier ses petits arrangements avec l'Histoire, pour nous en croquer une plus vraie que nature, si attirante que l'on voudrait qu'elle prenne la place de la réalité ! Et sa plume n'a pas son pareil pour dessiner des personnages incarnés, que l'on aime aimer et que l'on aime détester, quitte à leur donner un caractère assez peu conforme à l'Histoire, idéalisant ses héros, avilissant ses antagonistes.

L'histoire s'ouvre sur un mariage, celui de Saint-Luc, favori du roi, qui ne va pas tarder à connaître la disgrâce. En effet, Dumas va reprendre à son compte la thèse d'un Henri III homosexuel : ce dernier ne pardonne pas les épousailles par jalousie. Ce mariage est une petite poudrière : d'un côté, les mignons d'Épernon, d'O, Schomberg, Quélus et Maugiron, de l'autre, des gentilshommes qui soutiennent le parti de François, Livarot, Antraguet, Ribeirac, et, le plus brave de tous, Bussy d'Amboise. Diverses piques et menaces s'échangent, s'estimant humiliés, les mignons décident de tendre une embuscade à Bussy. Malgré l'avertissement de Saint-Luc, tenu par les règles de l'hospitalité, Bussy n'en a que faire : il affrontera les cinq s'il le faut !

Rue Saint-Antoine, le traquenard est en place. Les mignons guettent dans le noir le passage de leur ennemi. Dans l'obscurité, ils se trompent tout d'abord et attaquent deux silhouettes qui cherchent manifestement l'entrée d'une maison. C'est François, duc d'Anjou et son joueur de luth, Aurilly. Hors de question de toucher à un prince du sang, les mignons reculent et reprennent leur terrible guet. François, lui, s'en va, même s'il pressent un piège imminent en voyant une silhouette qui s'approche. Lâche, il s'enfuira. Bussy d'Amboise apparaît et les cinq compères surgissent de l'ombre. le combat s'engage, c'est du cinq contre un. Bussy s'y montre aussi brave que Bayard mais il faiblit. Il n'a que le temps de se réfugier à l'intérieur d'une maison et d'en refermer la porte sur ses assaillants avant de s'effondrer, épuisé par ses blessures.

Pris dans les brumes de la fièvre, il se rend tout de même compte qu'il est transporté dans un lit, il aperçoit un médecin aux yeux bandés qui le soigne mais surtout, le portrait d'une femme qui le frappe au coeur. Avant de se réveiller dans la rue le lendemain. Étrange aventure dont il est bien déterminé à percer le mystère. Par un hasard extraordinaire qui n'arrive que dans les romans, Bussy, en se rendant sur les lieux de l'assaut, retombe sur le médecin qui, lui aussi, veut résoudre cette histoire. C'est Rémy le Haudouin, et les voilà désormais liés d'une amitié indéfectible, car tel est le caractère généreux du comte. Ensemble, ils retrouveront la dame qui a si fortement ému Bussy d'Amboise.

La belle dame qui a capturé le coeur de notre héros au premier regard, c'est Diane de Méridor, épouse de l'infâme comte de Monsoreau, au service du duc d'Anjou. La belle éplorée conte alors au seigneur de Bussy sa triste histoire. Alors qu'elle se promenait en forêt, elle a eu la malchance de croiser Monsoreau, qui en tomba amoureux. La malheureuse le repousse mais, lors d'une fête, c'est cette fois le duc d'Anjou qui s'éprend de la belle. Et celui-ci n'hésitera pas à organiser un enlèvement pour la séduire. Diane est alors « secourue » par Monsoreau qui fera croire au duc, et au père de la jeune fille, qu'elle s'est noyée lors de son évasion. D'un naturel jaloux et suspicieux, il la mènera à Paris et parviendra à l'épouser après de nombreuses autres péripéties. Évidemment, notre belle innocente a été trompée, et tout n'était qu'un plan machiavélique du comte pour l'amener à accepter sa demande en mariage. Bussy, devant tant de vilenies, est bien décidé à faire justice à Diane de Méridor, ce qui passera tout d'abord par se rendre en Anjou, pour prévenir le père de la survie de sa fille et le mener devant le duc d'Anjou pour que ce dernier rompe ce mariage forcé. Mais le perfide François, parce que Monsoreau connaît trop de secrets qui pourraient lui coûter sa tête, trahit son fidèle Bussy, tout en espérant pouvoir enfin voler la belle Diane des mains de son mari.

En parallèle de cette histoire d'amour illégitime entre deux jeunes gens de haute qualité, Dumas dresse une intrigue politique dense et assez noire dans une cour corrompue où l'envie le dispute à la sournoiserie. le lecteur est pris dans le maelstrom des luttes de pouvoir. Henri III est entouré d'ennemis, et le premier d'entre eux est son propre frère, François. Celui-ci est dépeint perfide, lâche, vindicatif. Il se sait être le potentiel successeur de son frère, et pour le faire tomber, il n'hésitera pas à se rallier au duc de Guise, chef ultra-catholique qui fomente la chute du roi grâce à la Ligue. Les comploteurs veulent profiter d'une célébration religieuse pour forcer le roi à abdiquer. Heureusement pour Henri III, celui-ci a dans son entourage un Gascon des plus dévoués : Chicot, fou du roi, un personnage comme aime à les croquer Dumas, courageux, bavard, rusé et surtout fidèle à un roi qu'il semble être le seul à aimer sincèrement.

Je ne vais pas résumer le roman qui fait tout de même ses mille pages bien pesées. Mais sachez-le, j'ai adoré ce roman. On y retrouve une plume alerte, une verve dans des dialogues savoureux, un souffle épique qui maintient l'intérêt du lecteur – cette fin, mon dieu, qu'elle est palpitante ! Les émotions sont exacerbées, les péripéties et les rebondissements s'enchaînent à bon rythme comme tout bon roman feuilletonnant, les héros sont idéalisés (le véritable Bussy d'Amboise était tout de même un peu moins chevaleresque et assez sanguinaire dans son genre), l'histoire d'amour est certes un peu datée, très typique du roman historique du XIXe siècle, mais ça fait vraiment partie du charme incroyable qui se dégage de ce roman. D'habitude, je suis la première à relever les inexactitudes et les arrangements avec l'Histoire. Ici, il y en a bien évidemment, et je savais que j'en trouverais, comme dans tous les romans d'Alexandre Dumas. Mais la puissance du romancier fait qu'on les oublie volontiers, qu'on se laisse transporter dans l'histoire et qu'on y accepte absolument tout. Ce qui fait que Dumas reste, et restera encore longtemps, le chef incontesté du roman historique.
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