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Critique de madameduberry


25 ans après la parution du Voile noir, 24 ans après celle du livre choral de lettres de ses lecteurs, Anny Duperey fait retour sur son adolescence et sa jeunesse. Il ne lui fut possible de traverser et de construire ces années que par l'enfouissement de la perte effroyable subie au décès de ses deux jeunes, amoureux et beaux parents.Voile noir donc, mais aussi cloison étanche entre deux côtés de sa vie coupée en deux. Des signes demeurent, cependant que la limite entre ces deux mondes séparés connait aussi des points de passage. Le blocage scolaire, d'abord, chez une élève originale et bien douée.Les heures passées dans le musée d'histoire naturelle, à contempler les momies et les embryons formolés.
Deux essais ou plutôt répétitions de disparition sous les roues d'une voiture, histoire de se prouver que c'est facile de glisser, moitié exprès, moitié par inadvertance, vers le pays où l'on ne souffre plus, où tout est comme il doit être à jamais, où le repos s'engourdit en inertie. Moments où la tentation se radicalise en tentative. Moments où elle rèalise aussi qu'elle peut cette fois être plus forte que la mort.Moments peut-être où la vie est trop lourde à porter, l'absence trop cruelle, la culpabilité trop insupportable.
Culpabilité parfois cruellement commuée en responsabilité (!!!) d'une gamine de huit ans dans ce désastre, alors que les adultes avaient eux-mêmes involontairement accumulé les imprudences ,les conduites illogiques et inconsidérées . L'arbitraire, l'ironie cruelle de l'accident apparaît là dans sa triste et stupide évidence.
Entre en scène le Choeur antique de la tragédie: les survivants du désastre et le rôle qu'il jouèrent auprès de chacune des soeurs.
S'éclaire ainsi le rôle essentiel de la tante paternelle, cette femme intelligente et intuitive, généreuse, libre,forcée de quitter l'école mais toujours ouverte à la vie.Bonne fée, elle donne à Anny les moyens de faire ce dans quoi elle excelle.Se pose aussi le décor familial perdu, la Scène Première où tout se joue, et où se déployait le rêve de sa mère.
L'écriture du livre est belle par sa clarté, sa légéreté. C'est un pélerinage vers l'énigmatique figure maternelle, mais le chemin n'est plus douloureux. La rencontre faite en rêve avec le regard suppliant de sa mère a allégé Anny Duperey d'une insupportable cécité. Le visage maternel n'est-il pas le premier miroir? Si ellle n'a toujours pas pu retrouver l'accès aux souvenirs de sa prime enfance, Anny Duperey semble avoir réunifié son propre moi disjoint, à travers le regard éperdu d'amour que lui adressait sa mère. Et Anny de s'ouvrir aux réminiscences, au savoir inconscient constitué par les conversations entendues sans les entendre, le bourdonnement des signifiants que toute famille produit au-dessus des lits d'enfants, savoir offert et légué à tous les descendants, même et surtout aux orphelins, et qu'ils peuvent parfois atteindre au prix d'un travail, il est vrai.
Ce beau livre va rejoindre sur l'étagère les deux premiers volumes, bouclant la boucle de trois destinées finalement indissociables, les deux premières s'interrompant très vite et la troisième s'élançant de tout l'élan de liberté que peut ressentir un être jeune et sans "attaches" comme on dit. Et qui réalise au bout d'un long et douloureux retour sur soi, que le fil de nos vies est tramé en grande partie par d'autres que nous.
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