Citations sur Maria Vandamme (10)
- Monsieur Henri, vous voulez m'apprendre à lire ?
- Quoi ?
Il était ahuri.
-Oui, m'apprendre à lire, à moi. Et à écrire aussi.
Il rit.
- Mais, tu es la bonne, Maria, tu n'as pas besoin de savoir lire.
Mais il n'avait pas imaginé le froid glacé, la boue, la pluie des sources, la puanteur du goudron, de l'urine, de la merde répandus au hasard des galeries, ni ce sentiment d'étouffement qui l'avait étreint à la première minute, dès l'entrée dans le labyrinthe noir. Oui, c'était l'enfer.
Aux yeux d'Arthur Rousset, chaque socialiste était le diable en personne.
Si vous ne savez pas pleurer, chuchota-t-il, vous ne pourrez jamais être tout à fait heureuse. Pour être heureux, il faut savoir pleurer.
Il lui faisait une cour discrète et paisible. Cour est un bien grand mot. Plutôt des allusions à un avenir commun, des attentions et des gentillesses. Un timide, bien différent du valet de ferme dont elle avait senti, chez Jan Vangraefschepe, le poids, l’haleine lourde de bière, et les mains qui la cherchaient.
La jeune fille apprend à dormir sur le qui-vive, une houe à portée de la main, dissimulée dans la paille, pour le cas où. Elle s’étonne parfois que ses compagnons d’étable ne s’associent pas pour la forcer, car alors elle ne pourrait résister. Mais ils n’ont pas cette idée, ils ne sont pas si méchants. Et ils finissent par
Et bientôt fille pour attirer le désir des hommes. Une saison chassant l’autre, elle a grandi. La gamine anguleuse s’est formée, comme disent les commères.
Maria Vandamme n’avait pas eu d’enfance. Un jour de 1843, la religieuse de garde au tour d’abandon de l’hospice des enfants de Saint-Omer trouve, dans un panier, une petite fille de quelques semaines, ou même un peu plus. Une blonde rieuse; et potelée, ce qui semble indiquer qu’elle vient de la campagne. Mais allez savoir : à cette époque, on fait beaucoup voyager les enfants indésirables; des femmes se chargent même, moyennant finance, d’aller les déposer aux tours d’abandon des villes lointaines, histoire de brouiller les pistes.
Flamande. Tête de Flamand, tête de bois. Mais ils ont de belles femmes aussi.
La prostitution, elle la connaissait de longue date. Il était impossible de vivre plus de huit jours dans ce quartier en l’ignorant. Et plusieurs de ses compagnes, à l’usine, trouvaient là un moyen d’arrondir leur pécule : quand elles sortaient le soir pour arpenter les petites rues de Saint-Sauveur, on disait qu’elles allaient faire le cinquième quart de leur journée, le mieux payé. Maria ne s’en indignait pas : chacun, chacune devait s’organiser pour survivre. Et la clientèle de ces filles n’était pas spécialement repoussante : quelques ouvriers, des gens du quartier, surtout des soldats,des garçons venus des Flandres, qui parlaient à peine le français, d’autres encore, recrutés dans les régions des mines et qui racontaient d’étranges histoires de chevaux tirant des chariots de houille à des centaines de mètres sous terre. Quand ils n’avaient pas trop forcé sur la bière ou le trois-six, ces hommes-là n’étaient pas terribles.