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Critique de Stockard


Pas de bol, comme bien souvent pour les non-américains, certains livres ne passent pas l'Atlantique. C'est le cas des ouvrages sur Mohamed Ali qui existent par dizaines aux USA et qu'on compte sur les doigts d'une main (à quelques doigts près) dans l'Hexagone. C'est frustrant... ou plutôt, c'était frustrant. Jonathan Eig vient d'y mettre bon ordre une fois pour toute avec son magistral Ali : Une Vie. Nul besoin de moult bouquins quand un seul suffit à tous les autres et on peut dire que cette biographie du Champion n'est rien de moins qu'une petite merveille.

Couvrant la naissance de Cassius Clay à Louisville en 1942 à la mort de Mohamed Ali en 2016, Jonathan Eig nous raconte la grande Histoire de l'Amérique des années 60 à nos jours et l'histoire plus grande encore du plus génial sportif de tous les temps (je pèse mes mots), celle du jeune boxeur le plus détesté d'Amérique (Amérique blanche, entendons bien. Pensez, Noir, musulman, insolent, refusant la place de citoyen de seconde zone à laquelle sa couleur de peau le réduit et qui se permet en plus l'affront de refuser d'aller combattre au Vietnam, tenant ferme sur ses positions même une fois son titre de champion du monde et son droit d'exercer la boxe retirés) à l'ambassadeur de la paix, lentement mais sûrement grignoté par la maladie et d'un seul coup adulé par cette même Amérique, soufflée, admirative et émue "And look ! It's Muhammad Ali !!!" quand l'immense champion apparaitra à la surprise générale un soir de 1996 à Atlanta pour allumer la torche olympique*. Trente-six ans après avoir gagné sa propre médaille d'or aux jeux de Rome, Mohamed Ali, torche dans la main droite et tremblements incontrôlables de la main gauche a pu mesurer, à travers l'ovation rendue au Centennial Olympic Stadium, le chemin parcouru et savourer l'amour indéfectible que lui vouait enfin son pays.

Ali : Une Vie est une mine d'informations, d'anecdotes, d'histoires drôles (la préférée d'Ali : « Qu'a dit Abraham Lincoln lorsqu'il s'est réveillé après trois jours de soûlerie ? "J'ai affranchi QUI ?" »), d'histoires tristes aussi mais toujours dissipées par l'optimisme et la confiance légendaires du boxeur. On y découvre un homme gentil, incroyablement généreux (confinant à la naïveté parfois, véritable aimant à escrocs en tous genres) et qui derrière ses attaques ad personam (Sonny Liston, l'ours affreux ; George Foreman, l'oncle Tom ; Joe Frazier, trop bête pour être champion etc.) à fin de promotion de ses matchs, sachant qu'un public considérable se déplacerait dans l'espoir de le voir ravaler ses mots et ses dents, cultivait en fait un profond respect pour ses adversaires qui le lui ont bien rendu, pour ceux encore de ce monde, lors de ses funérailles.

Inutile d'être fan de sport pour apprécier ce personnage unique dont Jonathan Eig, qui n'exagère pas ses forces (the Greatest of all time) ni n'amoindrit ses faiblesses (l'argent, les femmes), nous livre une biographie chronologique, claire et détaillée pour toutes celles et ceux qui souhaitent en savoir plus sur cette icône du 20e siècle et dont le fait d'être ou non amateur de boxe n'entre finalement pas en compte même si chacun de ses combats y est bien entendu relaté, décortiqué et finement analysé, le vocabulaire employé est à la portée de tous, « jab » étant peut-être pour les non initiés le seul mot un poil technique du récit (c'est dire).
Tout ce que l'on retient, c'est que malgré ses prestigieux leaders, sans Mohamed Ali le mouvement des droits civiques aux États-Unis n'aurait pas eu le même impact.
Quel grand Homme et quel putain de grand Champion !

Énorme merci à Babelio, aux éditions Marabout-Hachette et à Jonathan Eig dont la somme de recherche et de travail (qu'on imagine colossal) nous permet de faire un peu mieux connaissance avec cette source d'inspiration atypique et formidable. J'ajoute que j'ai accompagné cette somptueuse biographie des albums "Tomorrow is the Question !" d'Ornette Coleman et de "Steam" d'Archie Shepp, et sans surprise : ça se marie à la perfection.

En conclusion, Seth Abraham (ex président de la chaîne Time Warner Sports) est peut-être celui qui a le mieux trouvé les mots quand il déclare au sujet de Mohamed Ali : « Il est à moitié réel, à moitié conte folklorique. Je sais que le géant Paul Bunyan et le boeuf bleu n'ont jamais existé, mais ils font partie de la légende américaine. Il est presque Paul Bunyan... Mohamed Ali : y a-t-il jamais eu un personnage pareil ? »


* https://www.youtube.com/watch?v=PF9kK27BFk8
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