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Critique de enjie77


C'est une lecture éprouvante mais passionnante que ce roman qui nous plonge en pleine révolution égyptienne, sur la place Tahrir au Caire en 2011.

La plume de ce militant démocrate fait d'Alaa El Aswany un adversaire redoutable pour le régime. Il est d'ailleurs, à ce titre, poursuivi par le parquet général militaire égyptien et interdit de toute publication en Egypte. Il craint beaucoup pour sa famille mais malgré tout, il continue de se battre pour défendre ses convictions et dénoncer la corruption qui règne dans son pays, coincé entre les militaires et les islamistes. Vous faites preuve d'un courage exemplaire Monsieur El Aswany, chapeau bas !

Son livre n'épargne personne, ni les autorités, ni l'égyptien moyen, ni les religieux de pacotille, tout ce petit monde qui avait tout intérêt à ce que rien ne bouge et qui s'est prêté à la mise au tombeau de ce vent de liberté qui soufflait sur l'Egypte. Pas de langue de bois mais une rhétorique qui se veut authentique doublée d'une ironie mordante.

Cette fiction est un très bel exercice de style qui mélange la grande et la petite Histoire pour mieux éclairer le lecteur sur ce qui s'est réellement passé en coulisse : les occidentaux ayant vécu cette révolution à travers le prisme des médias.

Pour faire de son lecteur un observateur avisé, il cherche à le projeter à l'intérieur de cette révolution pour que celui-ci puisse mieux appréhender les ressorts de cet apparent échec. Alaa El Aswany écrit un roman choral à la construction que j'ai trouvée ingénieuse. Il trace une succession de portraits de quelques personnes représentatives de la société égyptienne qu'il radiographie. Des jeunes étudiants rêvant d'une société plus juste, plus propre et laïc, en passant par les ouvriers d'une cimenterie et de son patron, ancien révolutionnaire, des studios de la télévision avec ses rivalités internes, d'un religieux affairiste, pour terminer sur l'intimité d'un général tortionnaire, dévot maladif, le lecteur est happé irrémédiablement par cet espoir qui se diffuse dans tout le récit.

Il s'attache à Asma, Mazen, Khaled, Dania, Achraf, Akram dont il épouse la cause et qu'il suivra jusqu'à l'épilogue. Et il honnit les religieux, la belle présentatrice télé, les flics, l'armée, l'Organisation, les médias, la justice.

Mais la dictature sait jouer avec la peur de certains et la lâcheté des autres, elle sait rendre les individus serviles. Avec l'aide des médias aux mains des hommes d'affaires les plus riches, elle diffuse de fausses informations, de faux témoignages, discréditant ainsi les révolutionnaires aux yeux d'une partie de la société civile en criant au complot organisé par les méchants du reste du monde qui manoeuvrent pour faire éclater la guerre civile ! Rien de nouveau sous le soleil !

Terrible et monstrueuse cette répression sanglante, abjectes les manipulations et la désinformation dont a été victime une partie du peuple égyptien avec l'assentiment de l'autre partie, odieuses les humiliations subies par les femmes !!!

« Dieu est grand et Mohamed est son prophète » cette phrase est partout, elle ponctue tous les dialogues comme elle participe à toutes les exactions, à toutes les compromissions au prétexte que « nécessité fait loi ».

Il y a malheureusement des témoignages qui en disent long sur ces sombres journées sanguinaires constellées de sadisme où l'armée, aidée des Frères Musulmans, reprend la main après la démission du Président Moubarak.

J'ai refermé ce livre en pensant à Monsieur Madani, la détresse de cet homme m'a particulièrement touchée.

C'est un livre intense qui a été écrit par Alaa El Aswany pour bien informer le reste du monde de ce qui s'est passé en Egypte à ce moment là avec l'espoir de marquer les esprits pour ne pas oublier ce vent de liberté qui soufflait en 2011 dans ce pays.


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