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Critique de Sarindar


Ne nous y trompons pas, Fadi El Hage, avec ce livre magnifique, ne donne pas dans l'uchronie ou l'histoire contrefactuelle : il dresse une liste de tous les possibles successeurs du roi Henri III, lequel eut toujours l'air, pour garder le pouvoir et tenter de rétablir les prérogatives, le prestige et l'autorité du roi qu'il ne semblait jamais en mesure d'incarner réellement, de vouloir remettre à leur place les meneurs de la Ligue, cette union de représentants de la noblesse de confession catholique, qui, à la charnière des XVIe et XVIIe siècles, soupçonnés de briguer la place des Valois sur le trône de France et menés par les partisans du duc de Guise, prenaient prétexte de leur lutte contre les Protestants pour se mettre toujours en avant, à la pointe du combat contre ceux qui avaient fracturé l'unité de l'Église, ne réussissant, ce faisant qu'à démontrer l'extrême fragilité de la dynastie régnante, celle des Valois, toujours plus ou moins contestée ou apparemment contestable, en raison de circonstances assez souvent défavorables, qui questionnaient leur légitimité et leurs aptitudes mêmes. On peut bien dire qu'ils étaient eux-mêmes, consciemment ou inconsciemment, travaillés depuis 1328 par le doute quant à leurs capacités à tenir la couronne fermement dans leurs mains puisqu'ils se trouvaient sans cesse contraints de réagir, pour ne pas dire de surréagir, afin de préserver leurs droits et de prouver au monde qu'ils n'étaient pas des usurpateurs, tant, à chaque étape, ils trouvèrent de compétiteurs et de rivaux prêts à les supplanter, à la différence des Capétiens qui semblaient avoir eu quant à eux plus de facilité à se succéder sans interruption de 987 à 1328. L'auteur a ainsi matière à faire des renvois au passé le plus lointain, pour faire le parallèle entre la situation connue dans la seconde moitié du XVIe siècle et toutes celles où des lignées régnantes se trouvèrent mises en danger, aussi bien sous les Mérovingiens, les Carolingiens que sous les Valois, qui, au départ, durent réellement se battre contre les rois d'Angleterre et de Navarre qui, du fait de leur parenté plus ou moins proche ou éloignée avec Philippe IV le Bel et sa descendance, avaient émis des prétentions à s'emparer du pouvoir suprême. D'autres tentèrent aussi de profiter des défaites De Crécy (1346) et de Poitiers (1356) face aux Anglais pour modifier le cours des choses et prendre les rênes à la place du roi, comme l'un des meneurs des États de langue d'Oïl, Étienne Marcel, prévôt des marchands à Paris, en tant que de ces États dépendait le consentement aux impôts de guerre pour les besoins du royaume. Ces allers et retours dans l'histoire font l'intérêt de ce livre, tout autant que le thème abordé, celui de la guerre de Succession de France (autour de la question : Henri IV devait-il régner ?),
car ils donnent à voir bien des moments où tout aurait pu basculer.
Si l'Histoire ne s'écrit pas avec des si et si elle est écrite par les vainqueurs, il ne faut jamais oublier qu'elle est toujours l'objet de possibles retournements, prévus ou imprévisibles, et que les rois, Henri III et Henri IV, eurent toujours à se méfier, en prévenant ou en guérissant, selon le besoin, et cela comme ils le pouvaient, pour conjurer des menaces sans cesse renaissantes et qui venaient de partout. Si les Guise en ascension continue sous Henri III, le cardinal de Bourbon, le roi d'Espagne pour pousser tel ou tel, Henri de Navarre lui-même, et d'autres comme le duc de Mayenne ou le cardinal de Vendôme sont à la manoeuvre, Henri III ainsi que son successeur sont à la contre-manoeuvre, le premier en raison de son faible charisme, le second parce que passant du Protestantisme au Catholicisme en fonction de ses intérêts du moment et parce que l'on pouvait toujours trouver suspect ou insincère, malgré une multitude de ralliements dès qu'il reçut l'absolution pontificale, sa conversion finale au catholicisme pour occuper de plein droit le trône de France. Son assassinat par Ravaillac commandité par un personnage puissant - qui ? On en discute encore - ne le montre que trop. N'évoqua-t-on pas un moment le nom du duc d'Épernon derrière ce geste d'un homme qui ne fut certainement pas seul à agir ? Un temps on songea pour venir après Henri IV à Henri II de Bourbon-Condé, personnage qu'on n'attendait pas, mais prince du sang le plus proche d'Henri III, pour coiffer la couronne. Mais non, la solennité des rites retrouvés des funérailles royales lors des obsèques d'Henri IV assurèrent aux Bourbons la légitimité qui semblait aussi manquer à ce dernier. Et Louis XIII, certes fils d'Henri IV mais roi très catholique, régna en s'appuyant sur la main ferme de Richelieu.
Ce livre signé Fadi El Hage doit absolument être lu par tous ceux qui aiment L Histoire.


François Sarindar
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