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Critique de gill


Incontestablement, Marc Elder signe là, avec "le peuple de la mer", un roman, plus qu'une peinture sociale, un bon roman mais un roman de terroir plus qu'un récit de littérature maritime.
Car à qui connaît bien les gens de mer et sa littérature de genre, il apparaît évident que Marc Elder y est hors-sol.
"Le peuple de la mer" est le premier roman d'un intellectuel, d'un homme qui, s'il semble assez bien connaître le milieu qu'il dépeint, le décrit pourtant de manière assez caricaturale et grossière.
Il en exagère les vices et les rudesses.
Il fait du Zola plus que du Pérochon.
Car certaines scènes du livre sortent tout droit d'un imaginaire populaire qui s'est ancré à tort dans une certaine littérature du genre.
Quel pêcheur irait s'en prendre à la barque d'un autre qu'il déteste sans se mettre à dos tout le village ?
Quelle bourgade se livrerait au pillage sans avoir été préalablement porter secours aux naufragés ?
Tout ceci est impensable, à l'époque où Elder situe son roman, lorsqu'on sait les risques qu'ont pris, et les sacrifices qu'ont fait certains sauveteurs en mer qui étaient bien souvent des pêcheurs eux-mêmes.
Enfin le vocabulaire et le style du livre ne sont pas ceux d'un marin, mais bien plutôt ceux d'un bon écrivain qui regarde vers la mer.
Certes, Marc Elder fait patoiser quelque peu ses personnages, ce qui ajoute à son roman quelques graines d'authenticité.
Mais ce patois est bien celui de la glaise et non du flot.
Pour autant ce roman est un bon roman, excellent même.
En 1913, après bien des hésitations et de nombreuses tractations du jury, il a emporté le prix Goncourt devant "le grand Meaulnes" d'Alain-Fournier et "Barnabooth" de Valery Larbaud.
"Le peuple de la mer" est articulé en trois scènes d'un même tableau, en trois nouvelles qui forment un roman :
Urbain Coët fait faire une barque de vingt-sept pieds dans le petit chantier naval du père Goustan où trois générations se prêtent la main et le rabot.
Une nuit, un homme a tenté de porter le feu dans la sciure de bois du chantier.
La barque sera baptisé "le dépit des envieux" ...
Jean-Baptiste Piron et Sémelin le taciturne sont gardiens de phare sur l'îlot du Pilier.
A quelques centaines de mètres de là, Gaud et sa femme est "épanouie au grand vent comme une algue en pleine eau".
Et la tête de Jean-Baptiste n'est pas aussi solide que son sang est bouillant.
Le drame passionnel guette ce petit coin de côte déchirée ...
Dominique-Augustin Bernard, ancien brigadier des douanes, vient de prendre sa retraite.
Il ne demande qu'à finir sa vie tranquillement entre sa petite maison et son potager.
Mais la mer semble s'acharner à lui prendre ses fils, implacablement les uns après les autres ...
Ce livre est un récit puissant, sensuel et salé, plein d'une violence primaire et d'une sauvagerie non maîtrisée.
Il contient à la fois des tableaux tristes et sordides, et de de belles et tendres descriptions comme cette jeune veuve qui pleure son amour perdu, comme cette petite maison de retraité entourée de coquillages.
Marc Elder, écrivain nantais discret, en 1913, à mon sens, avec ce livre puissant, a marqué la littérature par l'obtention du prix Goncourt, mais surtout et plus encore celui d'un genre, celui de la littérature régionale que l'on nomme souvent par pudeur "roman du terroir" ...
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