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Critique de Presence


Ce tome contient les épisodes 37 à 48.

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- Spider's thrash (épisodes 37 à 42) - Épisodes 37 à 39 - Back to basics - Spider Jerusalem a été contraint de passer dans la clandestinité. Par voie de conséquence il est à nouveau libre d'écrire ce qu'il veut sur les sujets qui lui tiennent à coeur, sans se préoccuper des attitudes timorées des actionnaires du journal pour lequel il travaillait. Il ne lui reste plus qu'à choisir le sujet qui mérite le plus son attention, après avoir échappé à un attentat.

Épisodes 40 à 42 - Il s'agit de 3 épisodes indépendants. Dans le premier, Spider enquête sur la prostitution de mineurs dans la Cité. le constat est terrifiant, et Spider s'attaque à nouveau aux abus de pouvoirs de certains (ici les parents). le deuxième épisode est encore plus angoissant et atterrant car il aborde un phénomène déjà existant maintenant : comment notre société prend en charge les individus atteint d'une maladie mentale légère ? Dans le dernier épisode, Spider Jerusalem se lance dans une promenade en ville en s'adressant au lecteur, en rédigeant mentalement sa chronique sur la façon dont notre présent est façonné par le passé.

Warren Ellis continue d'alterner les histoires qui rapproche le lecteur de la confrontation inéluctable entre Spider Jerusalem et le président Gary Callahan, et des points de vue personnels sur des composantes de notre société. Dans la première partie, le lecteur retrouve le Spider Jerusalem proactif, celui qui prépare des sales coups contre ceux qui veulent le faire taire ou le manipuler. Il continue de se servir des gadgets à la James Bond qu'il avait achetés sur le marché noir dans le tome précédent. Et il manipule l'opinion au travers de ses colonnes pour se venger de Fred Christ. Lorsque Spider expose ses projets à ses assistantes (Yelena Rossini et Shanon Yarrow), Ellis en profite pour inclure en arrière-plan des événements donnant plus de substance à la Ville et à ses habitants. En accompagnant les personnages dans leurs déambulations, le lecteur assiste médusé au suicide d'un homme avec 3 seins, aux flashs d'infos mettant en évidence l'usage des technologies pour une gratification toujours plus intense et toujours plus immédiate (d'excellents remarques sur l'addiction à l'instantanéité), etc.

Puis dans les 3 derniers épisodes, Spider se remet au boulot, il s'adonne au journalisme d'investigation et il écrit ses chroniques. Ellis augmente l'intensité de plusieurs crans, d'abord avec ces jeunes adolescents vendant leur corps dans une société qui a banalisé cette activité, puis avec le reportage sur les malades psychiatriques et la manière dont la société les gère le plus efficacement possible (surtout d'un point de vue économique). Il n'y a pas à s'y tromper : ce n'est pas Ellis qui alimente la fureur rebelle de Spider, c'est Ellis qui refuse de cautionner ce genre de pratique ici et maintenant. Ce qui commence comme une moquerie grinçante à l'encontre des doux illuminés qui voient des conspirations partout, se termine par une condamnation sans appel d'un gouvernement qui se débarrasse de ses missions sous prétexte de rentabilité économique. le dernier épisode fait également mouche car Ellis met le doigt sur une évidence de plus en plus prégnante : plus la société et les individus vivent dans le temps présent, moins ils s'intéressent au passé et à leur histoire, et moins ils ont d'avenir.

Darick Robertson et Rodney Ramos continuent d'être les illustrateurs attitrés de la série. Leur point fort le plus évident continue d'être les expressions et les traits des visages. Spider Jerusalem conserve ce visage qui exprime si bien le mépris, la rouerie et d'autres traits de caractère encore moins nobles. le visage de Yelena Rossini dégage une forte aura d'énervement et d'agressivité rentrée. Mais les efforts des illustrateurs ne se limitent pas aux personnages principaux. Dans une foule, chaque individu a une expression unique. L'épisode sur la prostitution des jeunes est rendu encore plus insoutenable par le fait que chaque jeune paraît son âge, et non un âge indéterminé entre 15 et 25 ans. Et chacun des individus plus ou moins paranoïaques dispose de sa propre apparence qui en dit long sur son milieu social, sa culture et son état de désocialisation plus ou moins avancé. Chaque personnage, même les seconds rôles, est un individu à part entière. Chaque localisation et chaque usage de technologie à des fins de divertissement (ah ! ces danseurs sur la façade) présentent des particularités et des singularités qui rendent l'expérience de lecture d'autant plus riche.

Avec cette première partie, Ellis, Robertson et Ramos ne se reposent pas sur leurs lauriers ; ils continuent d'emmener le lecteur toujours plus loin dans les recoins peu reluisants de cette ville, à proximité de ses habitants, vers des perversions d'autant plus révulsantes qu'elles nous ramènent à notre quotidien. 5 étoiles.

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- Dirge (épisodes 43 à 48) - Yelena Rossini commence sa journée difficilement : les yeux fermés, elle prend un paquet de clopes qu'elle renverse jusqu'à l'un d'entre elles soit facilement accessible. Après en avoir allumé une et aspiré une grosse bouffée, elle se lève difficilement pour aller jeter un coup d'oeil à la fenêtre. C'est bien simple, le lecteur a l'impression d'assister au lever de Spider, et non à celui de Yelena. Ce même matin, un sniper a commencé à tirer sur des passants au hasard dans le quartier des quotidiens. Dès que Spider aperçoit cette information à la télé, il s'empresse de prendre un taxi (avec Yelena et Sharon) pour une destination incongrue. Une tempête d'une ampleur ahurissante se déclenche et Spider est atteint à la tête par des débris. Il perd connaissance.

Après un tome précédent un peu bavard, Warren Ellis change de braquet et écrit 3 épisodes où les scènes silencieuses sont prépondérantes, charge à Darick Robertson et Rodney Ramos de faire passer l'histoire. le lecteur attentif note d'ailleurs que Robertson et Ramos sont qualifiés ensemble d'illustrateurs et que la distinction entre dessinateur et encreur a disparu. Ces mentions semblent plus officialiser une répartition des tâches déjà existante, plutôt qu'une évolution dans leur collaboration. le duo s'en tire vraiment très bien pour ces 3 épisodes. le lever de Yelena constitue un grand moment silencieux, mais fort éloquent. le langage corporel est parfait dans ses moindres détails, y compris quand elle se gratte la fesse gauche sur laquelle est tatouée une araignée similaire à celle du crâne de Spider.

Les scènes d'action transportent le lecteur sur place, avec des points de vue multiples, et un travail remarquable de Nathan Eyring, pour les effets spéciaux rendus par les couleurs. Robertson et Ramos mettent en scène le carnage orchestré par le tireur avec un détachement clinique qui fait ressortir l'arbitraire du choix des victimes et de la mort qui frappe un inconnu dans la rue. Ils sont tout aussi à l'aise dans la scène à grand spectacle où un hélicoptère s'écrase. Et lors de la tempête, ils rendent plausible ce phénomène naturel catastrophique, dans tout ce qu'il a de destructeur et d'absolu.

Malheureusement, ils s'en tirent moins bien dans la deuxième moitié du tome. Un épisode dispose uniquement de Spider Jerusalem en train de réfléchir dans sa tête avec un fond noir uniforme pour tout décor. Admettons, mais dans l'épisode suivant, ils refont le coup avec cette fois-ci un décor spartiate d'un blanc immaculé dans une chambre d'hôpital. Et ils enchaînent avec un dialogue (fin de l'épisode 47) sans aucun décor (fond blanc uniforme) alors qu'il se déroule dans un parc, devant un bâtiment. le nombre de cases par pages diminue également fortement pour se stabiliser à 4 dans des mises en page minimalistes. Il semble que les illustrateurs aient été un peu pressés pour ces 3 derniers épisodes. Il ne reste plus guère que les mines gourmandes du chat à 3 yeux et le langage corporel de Spider Jerusalem comme spectacle à contempler.

Dans le déroulement de l'histoire, le lecteur a également le sentiment que Warren Ellis place ses pions en vue du dénouement final. L'accident survenu à Spider génère une date limite qui permet à Ellis d'insuffler un sentiment artificiel d'urgence, pas très crédible. Il permet également d'entamer le mouvement final vers l'affrontement ultime. Heureusement, la structure de l'intrigue reste solide et rigoureuse et ces moments de faiblesses ne diminuent pas trop le plaisir de lecture dans la mesure où la mécanique de l'intrigue bénéficie d'une précision digne d'une montre suisse.

Avec cette deuxième partie, les dessinateurs réalisent une performance remarquable dans la première moitié dont l'histoire est majoritairement portée par des illustrations et une mise en page éloquentes qui impliquent le lecteur. Ils bâclent la deuxième moitié avec une disparition des décors pendant une bonne partie des pages et une diminution du nombre de cases par page. Ce constat correspond également au scénario que Warren Ellis a décompressé à bon escient dans la première moitié pour augmenter l'impact de ces morts arbitraires et de la catastrophe naturelle, à mauvais escient pour la deuxième moitié qui semble un peu trop légère par rapport aux tomes précédents. Cette partie n'est pas désagréable à lire, elle reste divertissante, mais elle est deçà du reste de la série. 4 étoiles.
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