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Critique de Dionysos89


Et ça y est, la réédition de Preacher, la série phare de Garth Ennis et Steve Dillon, est lancée chez Urban Comics ! le Livre I fut un hit dès son lancement aux États-Unis en 1995, nul doute qu'une réédition sous une forme définitive avec plein de bonus à l'appui ravira le plus grand nombre.

Dans un décor digne d'un western des années 1990, le sacré Garth Ennis nous dévoile un récit qui se construit dès le départ autour d'un trio improbable : d'abord, Tulip O'Hare, relatif canard boiteux qui devra nous en apprendre davantage pour convaincre, puis Jesse Custer, un pasteur texan qui reçoit en son sein une mystérieuse entité et détruit du même coup l'ensemble de ses coreligionnaires (!), et enfin, Cassidy, vampire irlandais qui rôde alors au Texas. Tous trois ont donc quelque chose à se reprocher et un bon paquet d'individus vont se mettre à leur filer le train assidument. Nous trouvons là surtout un duo diablement osé : la relation entre Jesse et Cassidy est à la fois franche, ambigüe et décomplexée ; les bons mots fusent, comme les plus grossiers, leurs expériences nourrissent leurs dialogues et ça n'y va pas de mainmorte !
À ce petit monde, Garth Ennis ajoute un beau petit lot de personnages secondaires bien « profonds » : d'abord Hugo Root, un shérif avec une vie personnelle aussi pathétique que sa vision de la société, mais fort d'une présence charismatique indéniable ; puis le duo d'inspecteurs opposés, John Gland et Paulie Bridges (le raté et le parfait, attention aux clichés à faire sauter !) ; et même Simon Coltrane, le journaliste de base, reporter solitaire qui se révèle plein de ressources pour toute sorte d'histoires sordides ; enfin, attendez-vous également à quelques gars de la campagne profonde du Texas, il y a du dégénéré à la pelle. La plupart d'entre eux ont le racisme au bout des lèvres, l'insulte facile et la grossièreté en règle de grammaire.
Pour ce premier livre raisonnablement introductif, nous avons la chance de découvrir deux arcs distincts. le premier est composé de sept chapitres et nous emmène du Texas à New York pour découvrir les personnages principaux, leurs atouts et leurs faiblesses, et déjà l'envers du décor avec les forces mystiques mises en jeu dans l'affaire. Un deuxième arc de cinq épisodes complète notre entrée dans l'univers tourmenté du Preacher avec un retour à Annville, au Texas, pour comprendre le passé du pasteur Jesse Custer et s'affranchir une bonne fois pour toutes de son entourage encombrant. Dans ce contexte, le dessin de Steve Dillon est particulièrement expressif, mettant souvent de côtés les paysages et décors pour se focaliser sur les personnages avant tout, ce qui se révèle très utile dans les scènes de combat singulier, d'émoi intérieur et de blocage sentimenalo-intriguant.
Dans toutes ces intrigues déjà foisonnantes alors que nous n'avons là que les douze premiers épisodes, Garth Ennis ne prend jamais de pincettes : que ce soit pour démonter la religion (qui compte beaucoup mais n'est pas forcément l'intrigue prépondérante pour le moment), pour exprimer son ras-le-bol de certains comportements ou bien pour rayer de l'histoire un personnage pourtant clé, c'est toujours avec force, de manière abrupte et cassante. Nous avons clairement là un récit volontairement amoral, mais qui présageait finalement de la mentalité de ce début de XXIe siècle, tout simplement. L'heure n'est plus à la morale, et la violence et ses affres habituelles n'ont jamais eu autant pignon sur rue, alors désormais tout ne vous choquera pas dans Preacher. Lire Preacher, c'est ainsi plonger la tête sous l'eau, respirer à grand peine, suffoquer en se retrouvant à l'air libre et finalement se prendre un violent coup de tatane dans la gueule et reprendre inlassablement ce cycle « vertueux ».
Avec ses douze chapitres, alors que la série en compte en totalité 66 (évidemment), ce premier volume qui lance la réédition est le plus épais, je pense. En guise d'exclusivité, car ils sont inédits, nous bénéficions à chaque fin de chapitre (et oui, Urban Comics réussit quasiment toujours son chapitrage original, lui) du courrier des lecteurs que Garth Ennis se faisait un charmant plaisir à organiser chaque mois. Enfin, et heureusement, en bonus final, nous trouvons entre autres ce qui a beaucoup contribué aux bonnes ventes des numéros originaux de la série : les couvertures de Glenn Fabry, peintures accrochant définitivement l'oeil, avec ses crayonnés préparatoires et des commentaires du dessinateur lui-même et de Garth Ennis.

Preacher, Livre I est donc une totale réussite sur le plan éditorial (un peu à l'image de Northlanders pour l'entente directe avec l'auteur pour faire un ouvrage avec un fort aspect définitif), merci Urban Comics pour cet écrin ; cette oeuvre de Garth Ennis et de Steve Dillon, dont les retombées se ressentent encore aujourd'hui dans le monde des comics, le mérite largement !

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