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Critique de Severine_Cdl


Salariée d'hyper depuis 20 ans, derrière ma caisse depuis 7 ans,je lis, regarde et écoute à peu près tout ce qui s'y rapporte.
Ayant soupé des reportages économiques sur la grande méchante grande distribution qui malmène nos producteurs et exploite ses salariés, j'étais bien impatiente de lire ce regard sociologique d'Annie Ernaux, de sortir des marges, du marketting, de politique commerciale et autre business.
Pas trouvé " Regarde les lumières mon amour " dans "mon" Carrefour. Pas de panique, y'a la Fnac en face.
Après lecture, je me dis que l'auteure sera rassurée de ne pas se retrouver cloitrée entre un Musso et un Lévy, lectures de prolos, trouvables dans les commerces de prolos...

" Ce qu'on peut désigner par le terme de littérature n'occupe qu'une portion congrue de cet espace "

Oui nous ne vendons que des classiques et des best sellers, parce que nous sommes des généralistes, que les murs ne sont pas extensibles, et que notre but est de faire du chiffre.
Comme un fin bricoleur se rendrait à Casto plutôt qu'à carrefour, un lecteur cherchant un titre précis ira chez le libraire.
Cela ne fait pas de nos clients des débiles notoires. NOS clients, effectivement, c'est bien le terme que nous employons pour parler de vous.

" Par respect pour nos clients, il est interdit de lire les revues et les magazines dans le magasin (...) ce nos est typiquement faux jeton"

Ce "nos" irrite l'auteure qui estime ne pas être la propriété d'Auchan.
Est ce tout aussi choquant et faux jeton qu'un médecin dise "mon patient", un avocat "mon client", mon patron "mes collaborateurs" ?
Qu'on le veuille où non, dès lors que l'on pose les pieds dans un commerce, nous faisons partie de sa clientèle. Je ne trouve pas cela péjoratif, ni faux jeton.

" A la question posée rituellement à la caisse, est ce que vous avez la carte de fidelité ?, je répondrais tout aussi rituellement : je ne suis fidèle à personne "

Alors la j'explose ! Si vous saviez Madame Ernaux le nombre de clients qui donnent cette réponse, croyant sortir du lot. Avez vous une vague idée de la raison pour laquelle ce rituel est immuable ? Parce que nous y sommes obligées, parce que nous n'avons pas le choix, parce qu'il suffit d'un oubli pour qu'un client mécontent aille se plaindre à l'accueil de l'incompétence de la caissière. Croyez vous vraiment que cela nous amuse de prononcer 300 fois par jour "avez vous notre carte de fidélité" ?
Ceci dit, devant l'affluence des "je ne suis pas fidèle", j'utilise depuis quelques temps une petite variante, du genre, "avez vous la carte Carrefour", ainsi le jeu de mots n'a plus lieu d'être. Mais pas facile de changer ses automatismes, il m'arrive encore par mégarde, surement en auto hypnose après 250 scans, de lâcher un "Vous avez la carte de fidelité ?". Et là, bien souvent, je m'en mords les doigts !

A vous qui répondez simplement "oui" ou "non", MERCI !

" Cet art des hyper de faire croire à leur bienfaisance".

Oui, tous les commerces tentent de nous persuader qu'ils sont les plus performants. Cela s'appelle de la stratègie marketting. Tout le monde sait que dans une grande surface, on n'est pas au secours catholique. Il appartient à chacun de ne pas faire d'amalgame entre publicité et information. C'est notre devoir de consommateur averti. La grande distribution n'est pas responsable de tous les maux.

"Je voudrais lui poser la question de son salaire. Je n'ose pas"

Allez, moi j'ose : 15 746 € pour 2013. Temps partiel. Choisi, précision importante.
Moi elle me fait vivre depuis toujours, cette grosse usine à gaz. Pas grassement, certes, mais comme n'importe quelle autre salarié du privé de n'importe quel autre secteur. La vendeuse de lingerie haut de gamme qui bosse dans la galerie commerciale ne vit pas mieux que moi. C'est l'image de l'employé de grande surface, et en particulier la mienne, celle de caissière, qui est dégradante et mal perçue.

Je le vois quand je côtoie des non Carrefouriens ( oui cela m'arrive, je ne suis pas que caissière ) et quand le sujet du métier arrive sur le tapis : "je suis caissière" ... Je perçois dans leur regard un "oh ma pauvre c'est pas marrant comme job ".
Et bien moi je le vis très bien. J'aime mon travail et n'ai aucune intention d'en changer. j'aime MES clients, mes habituels, ceux qui m'engueulent quand je pars en vacances.

Je suis bien loin des "Trois Fontaines", en Bretagne Sud, où la clientèle est beaucoup moins cosmopolite, plus monochrome, plus locale, plus rurale, où il y a peu de délinquance. Plus tranquille, en somme.
J'ai bien conscience que moi et mes congénères de région parisienne, on ne fait pas le même métier et on n'a pas le même niveau de vie avec le même salaire.

Je dirais qu'Annie Ernaux a le mérite de s'être intéressée à mon milieu. Bien que je ne sois en osmose totale avec son ressenti, j'ai lu son récit avec intérêt. J'ai trop perçu le clivage entre elle et le reste de ce monde là, clients et employés. ce qui lui donne un air supérieur un peu agaçant.

Le problème c'est qu'elle est resté à côté de ce monde là, alors que pour le comprendre il faut être dedans.

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